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Juin 01
INFO - Cadre de pratique clinique en santé mentale auprès des demandeurs d'asile LGBT
Fiches synthèses et infographies

Cadre de pratique clinique en santé mentale auprès de demandeurs d’asile LGBT

Alessi, E. J., & Kahn, S. (2017). A framework for clinical practice with sexual and gender minority asylum seekers. Psychology of Sexual Orientation and Gender Diversity, 4(4), 383.

En bref – Cette fiche synthèse présente un guide de bonnes pratiques cliniques adressé aux intervenants en santé mentale qui exercent auprès de demandeurs d’asile appartenant à une minorité sexuelle ou de genre (SGMAS : sexual and gender minority asylum seekers). Alessi et Kahn (2017) synthétisent quatre axes thérapeutiques propres au travail auprès des SGMAS : (1) adopter une attitude d’acceptation inconditionnelle ; (2) instaurer un cadre thérapeutique sécuritaire et stable ; (3) accompagner le demandeur d’asile dans ses besoins psychologiques durant la procédure de demande d’asile et (4) développer des stratégies pour mieux gérer les enjeux liés à la réinstallation.

À télécharger : Fiche synthèse et Fiche infographie

1. Contexte

Au Canada, 2500 personnes en provenance de 75 pays ont fait une demande entre 1999 et 2002 dont 1300 ont été acceptées depuis 2004. Selon les tendances observées, le nombre de demandes d’accès au statut de réfugié selon le motif d’appartenance à une minorité sexuelle ou d’identité de genre ne fait qu’augmenter depuis les dernières années, que ce soit au Canada ou aux États-Unis.

À leur arrivée, les demandeurs d’asile peuvent présenter différents symptômes de stress post-traumatique, de dépression, d’anxiété, etc., pouvant s’apparenter à ceux observés chez les individus ayant subi des traumas complexes. En plus d’évènements de persécution et d’abus répétés dès le plus jeune âge, les SGMAS peuvent faire l’objet d’actes de victimisation dans le pays d’accueil. L’expérience identitaire d’appartenance à une communauté minoritaire sexuelle ou d’identité de genre dans le pays d’origine constitue un facteur de stress en soi, le « stress de minorité » entretenant une relation de comorbidité avec les troubles ou symptômes initialement présents (p. ex. : hypervigilance, internalisation de l’homophobie). En termes d’intégration, les SGMAS peuvent être dans une double situation de rupture avec leur communauté d’origine et la communauté du pays d’accueil ce qui contribue à leur marginalisation. Bien que cette population soit à risque, les auteurs soulignent leur capacité de résilience démontrée notamment à travers leur parcours migratoire. Ainsi, développer et promouvoir les capacités de résilience des SGMAS constituent un objectif clinique important.

2. Résultats

Quatre composantes du travail thérapeutique auprès des SGMAS

Adopter une attitude d’acceptation inconditionnelle

Alessi et Kahn (2017) soulignent l’importance primordiale d’avoir une attitude compréhensive favorisant l’acceptation et l’inclusion de différences culturelles. Les premières séances de thérapie sont un temps de prise de connaissance pour le thérapeute des composantes culturelles et croyances qui façonnent la représentation que le demandeur d’asile peut se faire de son vécu et de son identité. Si un interprète est nécessaire au cours du travail thérapeutique, les auteurs soulignent l’importance de vérifier que ce dernier présente de même une attitude et des valeurs d’acceptation concernant la communauté LGBT.

Instaurer un cadre thérapeutique sécuritaire et stable

Au regard des évènements de persécution vécus dans leur pays d’origine, les SGMAS peuvent faire preuve de méfiance à l’égard de leur thérapeute. Par conséquent, les auteurs indiquent l’importance d’instaurer un cadre thérapeutique sécuritaire et stable dans lequel une relation thérapeutique basée sur un lien de confiance peut se développer, celle-ci pouvant agir à titre d’expérience de relation interpersonnelle positive.

Pour favoriser l’établissement d’un tel cadre, le thérapeute doit accueillir le ressenti du demandeur d’asile au sein du travail thérapeutique en le questionnant continuellement sur ce qu’il vit. Le thérapeute doit consacrer un temps à la psychopédagogie (p.ex. : rôle du thérapeute, droit à la confidentialité, explication des symptômes présentés, etc.) et à l’élaboration conjointe des premiers objectifs de la démarche thérapeutique (p. ex. : gestion des besoins émotionnels immédiats, adaptation à l’environnement du pays d’accueil, etc.). Tout au long du suivi thérapeutique, le thérapeute doit être vigilant, tenir compte et savoir adresser les enjeux identitaires, les variations d’humeur, les difficultés dans les relations interpersonnelles ou encore les symptômes post-traumatiques et ce, tout en maintenant un cadre thérapeutique sécuritaire pour le demandeur d’asile.

À leur arrivée, les SGMAS sont contraints d’accepter des emplois précaires pour certains dans l’illégalité. Il est recommandé de référer le demandeur d’asile à des organismes qui vont l’accompagner dans les procédures administratives et de ne pas réagir de manière hâtive aux activités préjudiciables dont fait part le demandeur d’asile (p. ex. : activités dans le commerce du sexe). Il est privilégié d’accueillir ces expériences et de promouvoir des attitudes sécurisantes chez le demandeur d’asile dans ce contexte stressant de transition migratoire (p. ex. : promouvoir la santé sexuelle, informer des ressources en termes de dépistage, référer à des centres de santé communautaires, etc.).

Accompagner le demandeur d’asile dans ses besoins psychologiques durant la procédure de demande d’asile

Premièrement, les auteurs indiquent l’importance de normaliser et de valider l’expérience du demandeur d’asile. Le thérapeute peut évoquer la prévalence considérable dans le monde d’actes de persécutions à l’encontre de la communauté LGBT, la légitimité juridique de sa demande d’asile ou encore l’impact bénéfique du processus de demande réalisé par le demandeur d’asile pour lui-même ainsi que la communauté LGBT (p. ex. : rompre la culture du silence et de la honte).

Par la suite, les auteurs soulignent l’importance d’accompagner le demandeur d’asile dans son récit narratif avec des stratégies de relaxation (p. ex. : respiration, pleine conscience). En plus de permettre au demandeur d’asile de gérer son anxiété et d’accroître sa « fenêtre de tolérance » (Alessi & Kahn, 2017 : 5) au contact d’évènements traumatiques, ces techniques favorisent l’alliance thérapeutique.

Le thérapeute est aussi un point de liaison avec des organismes et groupes culturels pouvant permettre une validation et un partage du vécu psychique au cours de la procédure de demande. Néanmoins, les auteurs soulignent l’importance de ne pas imposer ces ressources et d’accepter les choix du demandeur d’asile pouvant aller à l’encontre apparente de son intégrité psychique (p. ex. : privilégier le contact avec la communauté religieuse dans le pays d’accueil malgré une condamnation de l’identité de genre du demandeur d’asile).

Développer des stratégies pour mieux gérer les enjeux liés à la réinstallation

L’issue favorable de la demande d’asile et l’obtention d’un statut migratoire davantage à long terme ne constituent pas pour les auteurs un bon motif de fin de thérapie. En effet, les enjeux liés à la réinstallation qui prennent place à ce moment doivent être considérés dans le cadre d’un prolongement du travail thérapeutique (p. ex : perte du cadre culturel, perte du support familial, etc.). L’objectif de ce travail thérapeutique à plus long terme est de permettre au demandeur d’asile de reconnecter avec une mise en sens et une forme d’intégrité dans le pays d’accueil. Ainsi le travail thérapeutique s’oriente sur la gestion des sentiments de honte et de culpabilité, le maintien de certaines relations interpersonnelles et la création de nouvelles relations, la gestion d’expériences discriminantes, l’acceptation identitaire et la contribution individuelle auprès de sa communauté sexuelle ou identité de genre (p. ex. : adhérer à un groupe de défense des droits LGBT).

Durant le travail thérapeutique et à un stade où le demandeur d’asile y est prédisposé, le thérapeute peut introduire des techniques et des outils notamment créatifs afin d’aborder et d’explorer les souvenirs traumatiques (p. ex. : thérapie centrée sur l’attachement, EMDR, yoga sensible aux traumas, art-thérapie).

Discussion et recommandations

Selon les auteurs, la principale limite de l’article réside dans les spécificités de chacun des cas particuliers qui peuvent se présenter dans la pratique et la difficulté de généraliser l’ensemble de ces recommandations. Au regard de l’insuffisance des recherches concernant les SGMAS, Alessi et Kahn (2017) indiquent l’importance de multiplier les études sur cette population et de tenir compte de la spécificité de chacune des expériences en favorisant un dialogue entre chercheurs et intervenants afin de développer un savoir fondé sur la connaissance pratique.

Pour aller plus loin