Julie | Propos empreints de jugement

À propos

Le cas professionnel de Julie correspond à une situation dans laquelle un·e professionnel·le émet des jugements à propos des personnes en demande d’asile et refuse la référence. Julie va devoir défendre le bien-fondé de sa référence.

Identification de Julie

GenreFemme cis
Âge32 ans
ProfessionInfirmière auxiliaire
Équipe de santé des réfugié‧e‧sSherbrooke
  • Julie est infirmière auxiliaire à Sherbrooke. Elle pratique sa profession dans l’équipe de santé des réfugié·e·s depuis environ 5 ans, principalement à l’étape de l’analyse des besoins. Elle est aussi la répondante pour les personnes en demande d’asile dans son équipe.
  • Julie aime son travail et être en relation avec des personnes d’univers culturels variés. Elle est rigoureuse dans ses références vers les organisations externes et s’assure que les personnes rencontrées aient bien reçu les services qui répondent à ses besoins.

Écoutez le récit de Julie

Transcription du récit de Julie

Mon nom est Julie. Je suis infirmière auxiliaire à l’équipe de santé des réfugié·e·s de Sherbrooke. J’y travaille depuis seulement quelques semaines. Je m’occupe principalement de l’analyse des besoins des personnes réfugiées, mais aussi des personnes en demande d’asile. C’est dans ce contexte que j’ai rencontré Juan Pablo. C’était quelques jours après qu’il ait demandé l’asile au Canada. Il m’a été référé par le médecin de l’hôpital pour avoir du soutien dans son installation à Sherbrooke. 

Dans le fond, Juan Pablo a été admis à l’hôpital parce qu’il présentait des symptômes qui ressemblent à de l’anxiété. Comme je savais qu’il avait un vécu de migration forcée, j’ai pris le temps d’explorer avec lui son parcours migratoire.

J’ai vite compris qu’il a vécu des événements potentiellement traumatiques qui pouvaient expliquer sa visite à l’urgence. J’ai aussi compris que son parcours d’installation était complexe. Juan Pablo avait l’air envahi par toutes les démarches juridiques liées à sa demande d’asile. On a donc convenu ensemble qu’un suivi psychosocial serait bien pour lui. J’ai donc fait une référence à un établissement du réseau en précisant le besoin d’avoir une ou un interprète aux rencontres.

Comme j’aime bien faire des références personnalisées, j’ai appelé l’intervenante de liaison pour faire un suivi. J’ai parlé avec Karine. C’est à ce moment-là qu’elle m’a dit que ma référence n’était pas acceptée. Elle expliquait qu’il y avait une longue liste d’attente, que les services sont juste offerts en français et elle a même ajouté que ces personnes-là commencent à prendre tous nos services.  

Sur le coup, j’étais sous le choc! Je suis restée sans mot! Je ne savais pas quoi répondre. Je ne comprenais pas d’où venaient ses propos-là. J’ai senti monter en moi un grand sentiment d’impuissance. Je ne savais pas trop quoi faire. En fait, ça m’a tellement énervée que je voulais juste raccrocher.  

Ça m’a pris quelques secondes à me ressaisir!  Je me suis rappelé la raison de mon appel. Et qu’au final, je voulais faire le suivi de la référence. Je voulais m’assurer que Juan Pablo allait recevoir les services dont il a besoin et auxquels il a droit. Ça été comme un moment de déclic et ça m’a permis de ne pas rester figée face à ses jugements! 

Après, j’ai comme senti le besoin de lui donner de l’information. Je voulais que Karine sache qu’au contraire, les personnes en demande d’asile ont plus de difficultés à accéder aux services. Même si elles n’ont pas la RAMQ, elles sont couvertes par le programme fédéral de santé intérimaire qu’on appelle aussi le PFSI, et ce, tout au long de la demande d’asile.

J’en ai profité pour lui nommer qu’il existe des services d’interprétations offerts aux établissements du réseau et qu’elle pouvait s’informer auprès de sa ou de son gestionnaire pour en connaître le fonctionnement.

Finalement, j’ai voulu rassurer Karine en précisant qu’il n’y avait aucun avantage offert aux personnes en demande d’asile au détriment de la population générale. Mais bon, je n’ai pas senti qu’elle était plus ouverte… Je la sentais très fermée.

Après, mon réflexe a été de demander si je pouvais parler avec une ou un de ses collègues. Et elle a fini par me transférer à une autre personne.

J’ai senti que Geneviève, sa collègue, était plus réceptive. Elle comprenait les raisons de la demande. Et au final, leur programme pouvait répondre aux besoins de Juan Pablo. Elle a donc accepté la référence, mais elle m’a qu’ils n’offraient pas de services d’interprétation. Comme je n’avais plus l’énergie à recommencer à expliquer que le réseau avait accès à des banques d’interprètes, on s’est entendu que j’allais les soutenir dans cette organisation. Je me suis dit que j’allais couper la poire en deux! Au final, j’étais déjà soulagée que la référence soit acceptée.  

Et en parlant avec Geneviève, j’ai compris que les membres de leur programme ne sont pas habitués à rencontrer des personnes en processus de demande d’asile. Ça fait que ces professionnel·le·s-là ne sont pas nécessairement sensibilisé·e·s  à leurs réalités. Et donc, ça se peut que certaines ou certains soient moins à l’aise à intervenir auprès de cette population.  

Quand je repense à la situation, je réalise qu’il y a certains propos pour lesquels je suis quand même plus réactive. Surtout quand il s’agit de jugements envers les personnes réfugiées et en demande d’asile.  

Je travaille avec cette population au quotidien. Je suis témoin de leurs forces et de leur résilience. Mais c’est vrai que ce n’est pas tout le monde qui connait leur réalité. Même, qu’il y a des professionnel·le·s qui n’ont peut-être jamais travaillé avec cette population. Au fond, il y a tellement peu d’exposition à des personnes qui ont différents statuts d’immigration que ça n’aide pas à connaître leurs droits en matière d’accès aux services ! 

À l’avenir, je pourrais m’aider en utilisant la fiche de la Trousse orientation et sensibilisation qui parle justement des droits des personnes réfugiées et en demande d’asile. C’est un outil qui regroupe des informations et ressources sur le sujet. Donc, pour des personnes qui n’ont jamais travaillé avec eux, ça peut être rassurant. Et pour moi, comme professionnelle, ça me permet d’avoir un outil sur lequel m’appuyer quand je rencontre des situations comme celle que je viens de vous raconter où j’ai l’impression que je dois un petit peu sensibiliser d’autres professionnelles. Ça reste qu’on ne peut pas changer le monde non plus, y’a des personnes qui ne changeront pas. On fait ce qu’on peut avec les outils qu’on a!

Exercice réflexif

Notions réactivées

Icône Sensible

Les cas professionnels et cliniques sont fictifs. Ainsi, les situations présentées ne sont pas réservées à une ville ou à un milieu de pratique en particulier.