CERDA – Centre d’expertise sur le bien-être et l’état de santé physique des réfugiés et des demandeurs d’asile

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Sep 11
Fiches synthèses et infographies

Isolement social et solitude chez les ainés immigrants et réfugiés au Canada

Johnson, S., Bacsu, J., McIntosh, T., Jeffery, B., & Novik, N. (2019). Social isolation and loneliness among immigrant and refugee seniors in Canada : a scoping review. International Journal of Migration, Health and Social Care.

En bref – Cette fiche de synthèse rend compte d’une revue de la littérature portant sur l’isolement social et la solitude des aînés immigrants et réfugiés. L’objectif visé est double : 1) contribuer à une meilleure compréhension des problèmes de l’isolement social et de la solitude des aînés immigrants et réfugiés au Canada et 2) fournir des informations sur les solutions qui peuvent être mises en oeuvre pour faire face à ces problèmes. Le document s’articule principalement autour des cinq thèmes suivants, identifiés comme contribuant à l’isolement social et à la solitude : le sentiment de perte, les modes de vie, la dépendance, les défis et obstacles ainsi que les conflits familiaux.

À télécharger : fiche synthèse et fiche infographie

1. Contexte

Les aînés immigrants et réfugiés forment une frange importante de la population au Canada, soit 30% des personnes âgées de 65 ans ou plus. Comparativement à la population générale, ils sont davantage à risque de souffrir de l’isolement social et de la solitude en raison de facteurs tels que : les différences culturelles, la barrière de la langue, la séparation avec les proches, le racisme et la discrimination ou encore les conditions climatiques. L’isolement social renvoie à de faibles contacts sociaux en termes de quantité et de qualité. La solitude, quant à elle, se manifeste par un sentiment de déconnexion des autres qui résulte de l’isolement social. L’isolement social et la solitude ont des conséquences néfastes sur la santé des personnes. Des études montrent que les personnes qui vivent de l’isolement social et de la solitude font partie des plus vulnérables face aux problèmes de santé physique (p. ex. : maladies coronariennes, démence ou mortalité) et mentale (p. ex. : dépression et anxiété sociale). Afin de soutenir les efforts de lutte contre cette vulnérabilité chez les aînés immigrants et réfugiés au Canada, ce document met en évidence cinq thèmes clés, identifiés dans la littérature comme contribuant à leur isolement social et à leur solitude. Il identifie également des recommandations ou interventions qui peuvent être mises en oeuvre pour faire face à ces problèmes.

2. Méthodologie

Les résultats obtenus découlent d’un examen de portée (scoping review). Ils reposent sur 17 études réalisées au Canada auprès d’immigrants et/ou de réfugiés âgés de 55 ans et plus, essentiellement de nature qualitative (entrevues semi-dirigées, groupes de discussion). Les participants ont entre 55 ans et 93 ans et sont originaires de la Chine, de l’Asie du Sud, de l’Iran, de l’Allemagne, des Caraïbes, de la Yougoslavie, et de l’Espagne.

3. Résultats

Le sentiment de perte

Le sentiment de perte est couramment associé à l’isolement social et à la solitude. Pour les aînés immigrants et réfugiés, cette perte est multiforme : perte d’autonomie liée à des difficultés linguistiques, à des contraintes culturelles ou encore à la limitation dans la mobilité ; perte au niveau interpersonnel (p. ex. : perte de contact avec les amis, décès de la conjointe) ou encore perte des milieux et habitudes de vie (p. ex. : repères culturels, habitudes de vie dans le pays d’origine, routine d’activités physiques).

Parmi les interventions recommandées pour surmonter ces pertes, des études préconisent l’implantation d’activités sociales, l’intégration des aînés dans des programmes de volontariat et l’augmentation de la fréquence de séjours dans le pays d’origine. De même, la religion, l’apprentissage de l’anglais, l’activité physique et les groupes de chorales constituent des activités favorisant la socialisation chez les aînés immigrants et réfugiés. Deux études recommandent aussi d’intervenir à l’échelle communautaire et des politiques publiques en vue d’instaurer des lieux urbains de rencontres en offrant des options de transports et des services d’aide aux aînés. Un financement durable pour soutenir les programmes et les services communautaires destinés aux personnes âgées immigrantes et réfugiées à long terme est aussi suggéré.

Le mode de vie

Le mode de vie est en rapport avec le fait de vivre seul ou avec sa famille ou des proches. Des ainés vivant seuls expriment un sentiment plus grand de solitude et d’isolement social comparativement à des aînés vivant avec leur famille (p. ex. : conjointe, enfant adulte). Selon ces derniers, la qualité des liens (p. ex. : temps passé avec la famille, sentiment d’être apprécié, attention des proches) a tendance à protéger contre l’isolement social et la solitude.

Néanmoins, certaines études soulignent que vivre avec des enfants d’âge adulte peut contribuer à l’isolement social et au sentiment de solitude à travers une réduction des contacts sociaux, un domicile situé en banlieue urbaine ou une perte d’autonomie et de pouvoir de décision du fait de la prise en charge des affaires courantes par les enfants. De plus, certains aînés rapportent un sentiment de solitude induit par le peu de temps passé avec leurs enfants et petits-enfants du fait de leurs obligations professionnelles ou scolaires.

Trois études font mention de recommandations pour soutenir les aînés vivant avec leur famille : favoriser les visites par des intervenants au domicile familial, développer des programmes d’aide de transport multilingue pour permettre la participation des aînés à des évènements communautaires et mettre en oeuvre des interventions en vue de permettre aux aînés de créer des liens sociaux avec les autres, en sortant de leur maison et en invitant d’autres personnes au domicile familial.

Le dépendance

De manière générale, les aînés immigrants et réfugiés sont aux prises avec deux types de dépendance qui sont sources de solitude et d’isolement social : l’une est liée à la communication verbale et écrite en anglais et l’autre est de nature économique. S’agissant de la communication, une limitation dans la maitrise de l’anglais parlé et écrit peut entrainer de la difficulté chez les aînés, notamment lors de leurs déplacements (p. ex. : ne pas pouvoir lire les panneaux, ne pas pouvoir demander une direction ou de l’aide). Concernant la dépendance économique, elle résulte du fait que les aînés peuvent sentir être une charge financière pour leurs enfants adultes. Ainsi, la dépendance économique peut entrainer de la culpabilité, un sentiment de perte de possibilité de choix ou perte de contrôle dans les décisions quotidiennes.

Pour soutenir l’autonomie des aînés, il est recommandé de leur offrir des cours de leadership et/ou d’instaurer des programmes d’apprentissage de l’anglais et de développement de leur empowerment et réseau social (p. ex. : sorties, groupes de parole, programmes éducatifs, informations sur les services disponibles, rencontres au sein de la communauté religieuse).

Les barrières et les défis

L’isolement social et la solitude sont aussi associés à un manque de connaissance des services disponibles, aux barrières culturelles et linguistiques, ainsi qu’au mal du pays. S’adapter à un nouveau pays, à ses normes culturelles et à ses valeurs constituent des défis. Ces défis sont susceptibles d’aggraver la solitude des aînés immigrants et réfugiés. Les aidants des aînés immigrants et réfugiés peuvent aussi souffrir d’isolement social et de solitude du fait de difficultés financières, d’une méconnaissance ou d’une connaissance limitée des soutiens et services disponibles, de l’inadéquation des heures de soins à domicile ainsi que d’une offre de service de santé culturellement inadaptée.

Les recommandations pour faire face à ces problèmes comprennent l’amélioration des services de santé, à travers : un meilleur accès à des interprètes et médecins plurilingues ; la prise en compte de la différence culturelle dans l’offre des services ; la formation des professionnels de santé aux défis et aux besoins des aînés immigrants et réfugiés ainsi que la collaboration avec les organisations communautaires.

Les conflits familiaux

Les conflits familiaux contribuent à l’isolement social et à la solitude des aînés immigrants et réfugiés. Ils découlent essentiellement des tensions intergénérationnelles concernant les différences de standards et d’attentes, de la perte des valeurs familiales et les changements concernant les normes culturelles (p. ex. : rôles sociaux et genre), des défis économiques, des obligations familiales, du sentiment pour les aînés d’être un fardeau familial, des tensions au sein des relations de parrainage, du désir de certains aînés d’avoir un rôle significatif dans la famille ou des expériences de négligence et de violence familiale.

En termes de recommandations, les études soulignent l’importance de tenir compte de la religion, des croyances et des facteurs de résilience associés aux vécus des aînés dans les négociations et la recherche de l’apaisement des conflits familiaux. De plus, certaines études préconisent des programmes d’accompagnement des aînés dans la gestion des conflits familiaux, fondés sur une meilleure connaissance et prise de conscience des droits et des services dont disposent les aînés en cas d’abus des aidants ou de violence familiale.

4. Discussion et recommandations

Cette revue souligne la nécessité de poursuivre les efforts de recherche sur l’isolement social et la solitude des aînés immigrants et réfugiés en vue de mieux appréhender leurs besoins ainsi que de promouvoir et mettre en oeuvre des programmes et des recommandations adaptés à leur situation. Ces efforts devraient inclure :

  • La mise en oeuvre d’études quantitatives ou des recherches utilisant des méthodes mixtes ;
  • Des recherches couvrant les régions éloignées des grandes villes et les milieux ruraux sont recommandées, alors que la plupart des études existantes ont été réalisées en Ontario ainsi que dans les grandes villes du Canada ;
  • Des recherches s’intéressant aux aînés originaires des pays arabes, de Corée ou encore des Caraïbes ;
  • Des projets de recherche pour identifier les meilleures pratiques dans l’amélioration des connaissances culturelles, l’éducation et la formation au sein du système de santé.

Sur le plan de l’implantation de programmes, les auteurs soulignent la nécessité d’une collaboration entre les institutions fédérales et provinciales afin de :

  • Mieux comprendre l’impact des différents programmes migratoires sur l’isolement des aînés (p. ex. : parrainage publique vs privé) ;
  • Prévenir le risque d’un unilatéralisme ou de disparités importantes entre provinces ;
  • Promouvoir l’innovation et la coopération dans la conceptualisation de programmes visant à répondre aux besoins spécifiques de cette population en tenant compte des spécificités géographiques et urbaines.

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