Collaboration avec un‧e interprète

À propos

La rencontre avec les personnes réfugiées et en demande d’asile peut impliquer le recours aux services d’interprétation. Plusieurs éléments sont à considérer afin d’assurer une bonne collaboration avec l’interprète.   

Les personnes réfugiées et en demande d’asile sont susceptibles d’être confrontées à une barrière de langue et d’avoir besoin de recourir aux services professionnels d’interprétation dans différentes situations :

  • La prise de rendez-vous
  • L’analyse des besoins et les deux volets de l’évaluation
  • La recherche d’un consentement libre et éclairé
  • L’accompagnement relatif à la médication
  • Toute autre décision relative à l’intervention ou à l’accompagnement

Il existe ainsi une diversité de situations pour lesquelles il est pertinent de recourir aux services d’interprétation. Or, la collaboration avec un·e interprète facilite l’instauration d’une bonne communication entre la personne accompagnée et les professionnel·le·s qui, ultimement, a des effets positifs sur la qualité des services. Par exemple :

  • L’établissement d’une relation de confiance entre la personne accompagnée et la ou le professionnel·le
  • La transmission complète des explications nécessaires 
  • L’obtention du consentement éclairée de la personne accompagnée
  • L’adhésion au traitement proposé ou l’utilisation des services offerts

La collaboration avec un·e interprète n’est pas sans impact sur la rencontre et la communication interculturelle. Cette section présente les services d’interprétation et les rôles des interprètes formel·le·s. Elle aborde les limites du recours aux interprètes informel·le·s et détaille la rencontre en présence d’un·e interprète formel·le.

Services d’interprétation et rôles des interprètes formel·le·s

L’interprétation offre une communication optimale entre les professionnel·le·s et les personnes réfugiées et en demande d’asile. Elle se définit comme :

[…] une activité professionnelle qui consiste à exprimer fidèlement le sens de ce qui est dit en une langue, dans une autre, en tenant compte davantage du contenu que de la forme du message et en considérant les caractéristiques des personnes qui reçoivent le message. (Bourque, 2004, dans Briand-Lamarche et al., 2017, p. 6)

L’interprète formel·le est une personne qui a suivi une formation spécialisée et reconnue en interprétation. Elle possède donc des compétences linguistiques en français et dans la langue de la personne accompagnée.

De plus, l’interprète formel·le est tenu·e de respecter les règles déontologiques qui encadrent sa profession.

POUR ALLER PLUS LOIN

Les orientations ministérielles du ministère de la Santé et des services sociaux concernant la pratique de l’interprétariat dans les services de santé et les services sociaux au Québec présentent, sous la forme d’un tableau, les principes déontologiques qu’il serait souhaitable de trouver dans tout services d’interprétation afin d’assurer une pratique éthiquement normée. 

Toutefois, des défis peuvent être rencontrés lors de la collaboration avec un·e interprète, qu’il s’agisse d’accéder aux services d’interprétation ou de définir le rôle des interprètes :

Les services d’interprétation sont souvent méconnus et perçus comme hors de portée, limités ou indisponibles, aussi bien par les professionnel·le·s que par les personnes réfugiées et en demande d’asile.

Les rôles des interprètes sont souvent difficiles à définir. Les professionnel·le·s s’attendent à ce que les interprètes soient neutres, mais qu’elles et ils comblent en même temps le fossé culturel. Ainsi, les interprètes sont souvent confrontés à ces dualités :

  • L’exactitude de la traduction et une meilleure transmission des propos de la personne accompagnée, favorisant la compréhension du ou de la professionnel·le
  • La posture de neutralité et la volonté d’agir comme médiatrice ou médiateur culturel·le, afin d’apporter davantage de soutien à la personne accompagnée

Ces dualités sont détaillées ci-dessous.

Neutralité absolue : Une posture impossible pour l’interprète

Lors d’une rencontre en présence d’un·e interprète, deux conceptions différentes du rôle de l’interprète peuvent s’installer :

  • L’interprète comme rapporteuse ou rapporteur neutre
  • L’interprète comme un·e médiatrice ou médiateur culturel·le qui s’implique davantage auprès de la personne accompagnée.

Ces deux conceptions sont susceptibles de générer différents vécus chez l’interprète et la ou le professionnel·le :

L’interprète pourrait adopter des stratégies verbales ou non verbales (ton de la voix, sourire) pour offrir un soutien émotionnel à la personne accompagnée. Or, plus l’interprète sera impliqué·e auprès de la personne accompagnée, plus elle ou il deviendra empathique envers cette personne, mais moins elle ou il sera neutre.

La proximité entre l’interprète et la personne accompagnée peut générer chez la ou le professionnel·le un sentiment d’exclusion et une perception de perte de contrôle.

Il peut ainsi y avoir un décalage entre les perceptions et attentes des professionnel·le·s, et les réalités de la collaboration :

Les professionnel·le·s peuvent attendre que l’interprète agisse comme un « conduit », c’est-à-dire qu’elle ou il s’efface le plus possible de la rencontre et qu’elle ou il traduise mot à mot les informations partagées.

Il est peu réaliste de demander à l’interprète de s’effacer complètement de la rencontre. Par sa présence et son implication dans la dyade professionnel·le/personne accompagnée, elle ou il devient partie prenante de la rencontre.

Ainsi, la notion de neutralité renvoie plutôt au fait de :

  • Prendre une distance avec ses propres affects
  • Être impartial·e dans la rencontre
  • Adopter une posture de non-jugement
  • Être transparent·e en verbalisant les difficultés de la traduction entre les deux parties

Médiation culturelle : Un rôle méconnu de l’interprète

Durant la rencontre, les interprètes peuvent être amené·e·s à dépasser le simple rôle de «conduit» de l’information et jouer un rôle de guide, en explicitant les notions culturellement situées qui pourraient entraver la communication. Elles et ils occupent alors une fonction de médiatrice ou médiateur culturel·le, qui présente plusieurs avantages mais peut également générer des défis lors de la rencontre.

Les principales fonctions et les défis liés au rôle de médiation culturelle sont présentés dans le tableau ci-dessous. 

PRINCIPALES FONCTIONSDÉFIS ASSOCIÉS
  • S’assurer qu’il n’y a pas de manquement dans la communication ou dans la sensibilité culturelle entre la ou le professionnel·le et la personne accompagnée
  • Aider la ou le professionnel·le à mieux comprendre les croyances et les pratiques culturelles de la personne accompagnée
  • Aider la personne accompagnée à mieux comprendre la culture professionnelle et le déroulement d’une rencontre
  • Une confusion dans la limite des rôles de chacun·e
  • Un équilibre précaire entre deux exigences : défendre la sensibilité de la personne accompagnée, tout en maintenant la posture de neutralité nécessaire à l’interprétation
  • Une résistance dans le milieu de la santé et des services sociaux à laisser l’interprète jouer son rôle de manière moins traditionnelle, en adoptant un rôle de médiation culturelle ou en s’engageant dans la défense des droits des personnes accompagnées
RETOMBÉES ET PERTINENCE
Ce rôle contribue à dissiper les incompréhensions culturelles entre les personnes impliquées et à améliorer leur communication, prévenant ainsi les erreurs qui pourraient résulter d’une mauvaise communication.
Il est toutefois important de veiller à ce que ce soit la ou le professionnel·le qui oriente les discussions, afin de mener à bien son processus d’évaluation. La ou le professionnel‧le demeure également la personne responsable d’expliquer les notions entourant la démarche clinique et les processus légaux.

Débordement du rôle de médiation culturelle

À la suite de leur arrivée dans le pays d’accueil, les personnes réfugiées et en demande d’asile doivent s’engager dans de nombreuses démarches administratives.

Pour ces personnes, il peut être nécessaire de demander de l’aide à un·e interprète en dehors de la rencontre clinique, pour lire un courriel, traduire un document, remplir un formulaire, voire se faire accompagner à d’autres rendez-vous.

Deux actions peuvent être posées pour prévenir le débordement du rôle de médiation culturelle chez l’interprète.

RAPPELER LES LIMITES DU RÔLE DE L’INTERPRÈTEIl peut être bénéfique d’aborder ce phénomène en début de collaboration avec l’interprète. Cet échange permet également de rappeler certaines limites entre l’interprète et la personne accompagnée. En effet, la ou le professionnel·le ne doit pas considérer que les interprètes s’engagent systématiquement dans un rôle de traduction ou d’accompagnement à l’extérieur des rencontres. De façon similaire, la personne accompagnée ne doit pas tenir pour acquis le fait que l’interprète pourra l’accompagner dans toutes ses démarches.
REDIRIGER VERS DES ORGANISMES PARTENAIRESIl est préférable d’orienter les personnes réfugiées vers des organisations qui peuvent les soutenir dans leur processus d’installation et d’adaptation.

Nous vous invitons à consulter le site du gouvernement du Québec pour connaître les services de soutien à l’intégration offerts par les organismes communautaires partenaires.

La collaboration et le lien de confiance avec l’interprète

Pour instaurer une bonne collaboration entre les professionnel·le·s et les interprètes, il est nécessaire d’établir un lien de confiance, de respect ainsi que de reconnaissance des rôles de chacun·e.

Un moment d’échange avant et après la rencontre permet de :

  • Clarifier les rôles et les objectifs de la rencontre
  • Faire un retour sur le déroulement de la rencontre et les nuances d’ordre culturel qui pourraient avoir été mal comprises
  • Mieux se connaître et apprendre à collaborer, en vue d’adapter les interventions pour de futures rencontres.

Limites du recours à un‧e interprèt‧e dit‧e informel‧le

Étant donné l’accès limité des professionnel·le·s aux services d’interprétation, la barrière de la langue est souvent palliée grâce à des interprètes informel·le·s.

Ce terme désigne principalement les interprètes de circonstance comme des membres de la famille, des ami·e·s, des voisin·e·s, des connaissances ou d’autres membres de la communauté.

Toutefois, il peut aussi arriver aux professionnel·le·s de se tourner vers d’autres interprètes informel·le·s, dit·e·s institutionnel·le·s : par exemple, des bénévoles de l’établissement où la personne accompagnée se présente, des personnes inconnues dans la salle d’attente qui se portent volontaires ou encore des collègues qui parlent la même langue que la personne accompagnée.

Contenu sensible

  • Les interprètes informel·le·s n’ont pas de formation ou de qualification reconnue. Si vous avez recours à ces personnes, il est important de garder en tête que les enjeux de confidentialité sont plus grands.
  • Vous devrez également informer la personne accompagnée que l’interprète n’est pas un·e professionnel·le.
  • Si la personne réfugiée ou en demande d’asile arrive à la rencontre accompagnée de quelqu’un d’autre, cela ne signifie pas que la personne accompagnatrice agira d’office comme interprète ou qu’elle a les compétences pour assumer ce rôle.

La rencontre en présence d’un·e interprète formel·le

Lorsqu’ils sont disponibles, il est préférable d’utiliser les services d’interprétation offerts par des professionnel·le·s pour s’assurer d’une traduction juste et équitable durant la rencontre.

Pour faciliter la planification et la collaboration avec un·e interprète, un résumé est proposé à la fin de cette section .

Planification de la rencontre

Il a été démontré qu’un plan de services d’interprétation bien organisé et constitué d’interprètes professionnel·le·s a un impact significatif sur la qualité des communications entre les professionnel·le·s et les personnes accompagnées.

Des banques interrégionales d’interprètes sont mis à la disposition des équipes de santé des réfugié·e·s. Toutefois, chacune de ces banques d’interprètes a un fonctionnement distinct, selon l’équipe à laquelle elle est rattachée.

Le processus d’accès aux services d’interprétation peut différer, dépendamment des modes de collaboration mis en place entre votre équipe et les organismes d’accueil mandatés, ou au sein même de votre équipe.

Demandez à votre gestionnaire quels sont les outils de référence au sein de votre équipe de santé des réfugié·e·s afin d’accéder à des services d’interprétation. Il peut s’agir d’un répertoire, d’une liste, de procédures ou de marches à suivre.

Avant la rencontre

Vérifiez comment fonctionne la prise d’un premier rendez-vous. Il peut être utile de discuter avec un·e collègue ou votre gestionnaire afin de clarifier la marche à suivre.

Dans tous les cas, certains aspects doivent être pris en considération :

  • Ces informations peuvent être validées à l’aide de différentes sources : le Notice of Arrival Transmission (NAT)1, la personne qui émet une demande à l’équipe de santé des réfugié·e·s, la personne elle-même, l’organisme communautaire d’accueil mandaté, le groupe garant ou le dossier si la personne a été vue par d’autres membres de l’équipe au préalable.
  • Dans certaines équipes de santé des réfugié·e·s, le service d’interprétation est proposé d’emblée au premier rendez-vous.

    Considérant la complexité du vocabulaire médical, il peut être intéressant de poursuivre avec les services d’interprétation aux rendez-vous suivants même si la personne met en application son apprentissage du français.

    L’interprète permet un accompagnement individualisé qui soutient le développement de la littératie en santé tout en veillant à une meilleure compréhension.

Selon la situation, il peut être judicieux de demander la préférence de genre de l’interprète à la personne accompagnée. En effet, la concordance des genres entre l’interprète et la personne accompagnée peut faciliter la communication, mais aussi favoriser « le respect de l’intégrité et de l’intimité de la personne, particulièrement lorsque l’intervention est en lien avec les régions intimes, notamment pour un suivi de grossesse ou pour des enjeux de santé gynécologique et sexuelle » (Briand-Lamarche et al., 2017, p. 21).

Une fois ces informations recueillies, fixez le rendez-vous le plus tôt possible pour vous assurer de la disponibilité de l’interprète. Selon les langues et dialectes demandés, il peut y avoir des services d’interprétation limités. C’est le cas, par exemple, pour une langue ou un dialecte rare.

Au moment de confirmer le rendez-vous, il est important de fixer les modalités de votre collaboration avec l’interprète. Voici quelques aspects à considérer :

  • Vérifier la disponibilité de l’interprète par téléphone, en ligne ou en personne.
  • Informer l’interprète du nom de la personne accompagnée et vérifier si elle ou il est à l’aise d’interpréter pour cette personne. Étant donné la proximité des relations interpersonnelles au sein des communautés, l’interprète pourrait souhaiter se désister pour éviter les conflits d’intérêts.
  • Expliquer brièvement la situation à l’interprète. L’interprète aura peut-être besoin de se préparer selon les sujets à aborder (vocabulaire spécifique, préparation psychologique, etc.) ; elle ou il peut refuser de participer à la rencontre si elle ou il n’est pas à l’aise avec la situation (ex. : agression sexuelle, violence conjugale, etc.). Il est préférable de prévoir cet échange avant la rencontre pour éviter les coûts engendrés par le service d’interprétation en cas d’annulation.
  • Explorer le processus d’entrevue ainsi que les objectifs de la rencontre afin de situer les rôles de chacun·e, incluant les rôles complémentaires de l’interprète. Des exemples de situations rencontrées peuvent être abordés afin d’anticiper la façon d’y répondre s’il y a lieu (ex. : la personne accompagnée demande de l’aide à l’interprète en dehors de la rencontre clinique pour traduire des documents).

En prévision de la rencontre, veillez à organiser l’espace (tables et chaises) et anticipez le matériel requis pour l’interprétation (ex. : téléphone avec haut-parleur, ordinateur avec caméra et son emplacement, etc.). Il faudra également prévoir plus de temps que d’habitude pour la rencontre, car l’information partagée devra être dite deux fois.

Pendant la rencontre

Le premier contact avec la personne est important et pourra influencer le cours de la rencontre. Ainsi, au début de la rencontre :

  • Faites les salutations d’usage. L’interprète les reformulera en tenant compte de la culture de la personne accompagnée.
  • Prenez soin de bien prononcer le nom ou prénom de la personne en demandant si la prononciation est correcte.
  • Vous pouvez demander à la personne comment dire « bonjour » dans sa langue maternelle.
  • Le respect des codes d’entrée en communication est fortement recommandé pour mettre en confiance la personne accompagnée; ceci facilitera le lien de confiance.

Ensuite, présentez-vous à la personne accompagnée et présentez l’interprète. Expliquez quel est son rôle et rappelez le caractère confidentiel des échanges. Cette étape permet à l’interprète de garder une distance professionnelle par rapport à la personne accompagnée et de lui préciser que c’est la ou le professionnel·le et non l’interprète qui dirige le déroulement de la rencontre.

Contenu sensible

Au début de la rencontre, vérifiez si la personne accompagnée se sent à l’aise avec cet·te interprète. En effet, pour des raisons qui lui appartiennent, la personne a le droit de refuser l’aide de l’interprète. Vous pouvez explorer les raisons du refus, sans jugement ni interprétation, en rassurant à nouveau la personne sur la confidentialité des échanges et sur le fait qu’elle a droit à ce service d’interprétation.

Lorsque le service d’interprétation est offert en personne, la configuration en triangle est recommandée, telle qu’illustrée sur cette image2:

Schéma : configuration à privilégier durant la rencontre

Cette configuration permet de privilégier le lien avec la personne accompagnée et souligne que sa santé et son bien-être sont les objectifs de cette rencontre : il faut donc veiller à lui parler directement en la regardant.

De plus, il est important de rester transparent·e envers la personne accompagnée. Il vaut mieux ne pas avoir de discussion parallèle avec l’interprète en présence de la personne accompagnée, dans la mesure où elle pourrait avoir l’impression qu’on parle d’elle et que l’on prend des décisions à son égard sans la consulter.

Il est donc préférable d’éviter les conversations simultanées et les commentaires que vous ne souhaitez pas voir interprétés.

Autres pistes à privilégier durant la rencontre

UTILISER UN LANGAGE SIMPLEÉviter le langage technique qui peut être complexe à traduire ou dont le vocabulaire pourrait manquer dans la langue maternelle de la personne accompagnée.

Éviter d’utiliser des référents nichés tels que des personnages politiques ou sportifs ou encore de référer à des marques de commerce pour parler de certains objets (ex. : Frigidaire pour parler d’un réfrigérateur ou Kleenex pour parler de mouchoirs).

FORMULER DES PHRASES COURTESCommuniquer des informations courtes, de façon claire et complète. Par exemple, poser une question à la fois. La traduction phrase par phrase contribue à réduire les omissions et la confusion.
VÉRIFIER LA COMPRÉHENSION DE LA PERSONNE ACCOMPAGNÉEDemander à la personne de répéter dans ses mots les instructions remises, afin de s’assurer qu’elles ont été bien comprises.
En cas de manque de compréhension, clarifier à nouveau avec le soutien de l’interprète ou à l’aide de pictogrammes.

Contenu sensible

S’il est nécessaire de fixer un prochain rendez-vous avec la personne accompagnée, assurez-vous de le prendre en présence de l’interprète pour confirmer sa disponibilité. Le fait de recourir au même interprète d’une rencontre à une autre permet de maintenir le lien de confiance avec la personne accompagnée.

Après la rencontre

Immédiatement après le départ de la personne accompagnée, il est important de prendre un temps avec l’interprète pour faire le point. Ceci permet de :

  • Vérifier si elle ou il a remarqué des éléments importants qui vous ont peut-être échappé
  • Enrichir votre compréhension du contenu échangé, pour mieux comprendre la façon dont la rencontre s’est déroulée
  • Obtenir des précisions d’ordre culturel, par exemple sur l’attitude non verbale adoptée par la personne accompagnée.

Enfin, il est intéressant de consigner au dossier de la personne accompagnée les informations concernant :

  • Les habiletés langagières à l’oral dans la ou les langues de services
  • Les préférences concernant les services d’interprétation
  • Le refus d’avoir recours à un·e interprète, aussi bien formel·le qu’informel·le
  • Les interventions en interprétation qui ont été mises en œuvre, par exemple la clarification de certains mots employés ou de codes culturels.

Que faire en l’absence d’un·e interprète

Au moment de la rencontre, il se peut que l’interprète ne soit plus disponible ou que la personne accompagnée refuse les services d’interprétation. En cas de refus, il est recommandé de rappeler à la personne accompagnée qu’elle n’a pas à débourser les frais pour les services d’interprétation, que ces services sont confidentiels et qu’ils comportent de nombreux bénéfices pour la qualité des soins.

Plusieurs motifs peuvent sous-tendre un refus :

  • Si l’interprète est de la même origine ethnique, il est possible qu’un lien existe entre la personne accompagnée et cet·te interprète au sein de la communauté d’origine.
  • Les personnes réfugiées et en demande d’asile peuvent chercher à se cacher des personnes qu’elles identifient comme des agent·e·s de persécution. Divulguer des informations sur sa propre situation à une tierce personne peut alors générer un sentiment de méfiance.

Il est important de rappeler la notion de confidentialité (aucune information ne sera partagée à l’extérieur de la rencontre sans le consentement de la personne accompagnée) et de souligner le fait qu’aucun jugement ne sera porté sur les informations partagées.

Pistes d’action

Dans les cas où la personne accompagnée maintient son refus ou bien lorsqu’aucun·e interprète n’est disponible, voici quelques solutions de dernier recours :

  • Essayer de communiquer de façon simple dans une langue commune aux deux personnes. Cependant, le risque d’erreur est accru.
  • Des outils technologiques peuvent être utilisés, comme des logiciels de traduction en ligne. Cependant, des mots et terminologies peuvent être interprétés différemment d’une personne à l’autre et il y a un risque d’inexactitude de la traduction. De plus, le recours aux applications de traduction peut entraver la communication non verbale, étant donné que l’attention se porte sur l’appareil et non pas sur l’autre personne.
  • Enfin, des outils complémentaires aux services d’interprétation peuvent être mobilisés pour transmettre de l’information à la personne accompagnée : documents traduits, infographies imagées ressources audiovisuelles, etc. Lorsque c’est possible, il reste toutefois préférable de présenter ces outils en présence d’un·e interprète pour accompagner l’explication et favoriser la compréhension.

POUR ALLER PLUS LOIN

Les orientations ministérielles du MSSS présentent les avantages et les inconvénients du recours à un·e interprète formel·le ou à un·e interprète informel·le, ainsi que les recommandations lorsque l’un ou l’autre des types d’interprètes est utilisé.

Retrouvez ces recommandations sous forme de tableau à la page 5 de la publication.

Références de la section

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Notes

  1. Les informations inscrites sur le NAT peuvent être validées lors de la prise du premier rendez-vous. Lorsque plusieurs langues y sont inscrites, il est possible de questionner la personne sur la langue parlée de préférence.
  2. Schéma adapté de Burdeus-Domingo & Leanza, 2022