Force et résilience

À propos

Les personnes réfugiées et en demande d’asile sont communément reconnues comme des personnes résilientes et présentant de grandes habiletés d’adaptation face à l’adversité. Mettre l’accent sur leurs forces et leurs résiliences est important pour l’évaluation et l’orientation.  

Conceptualiser la résilience pour les personnes réfugiées et en demande d’asile

La résilience est la capacité d’une personne à retrouver un équilibre après l’adversité. Elle est « à la fois la capacité de se délier des effets d’un traumatisme et celle de se reconstruire après un choc » (Tisseron, 2007 cité dans Michallet, 2009, p.11).

Une personne résiliente est une personne qui arrive à rebondir après un événement adverse. Elle arrive à mettre en action des stratégies pour tendre vers le bien-être et mobiliser des ressources internes, familiales, sociales et communautaires lui permettant de maintenir ou de retrouver un fonctionnement physique et psychologique équilibré.

En matière de santé mentale, la grande majorité des personnes retrouve leur équilibre sans avoir besoin d’intervention spécifique. Cependant, dans un contexte d’instabilité (ex. : stress d’adaptation, pauvreté, exclusion sociale, discrimination), il devient plus difficile pour la personne de mobiliser ses ressources internes afin de retrouver un équilibre.

Facteurs de protection

La résilience peut également référer à un processus d’interaction entre des facteurs de protection et des facteurs de risque rencontrés au cours de la vie de la personne. Ces facteurs peuvent être liés à l’individu, mais également à sa famille et à  son environnement.

Les facteurs de protection renvoient ainsi à des atouts, des compétences, des ressources et des circonstances qui agissent comme des sources de soutien ou des mécanismes d’adaptation.

  • Ces facteurs de protection peuvent atténuer les effets négatifs des facteurs de risque, protéger et favoriser le bien-être psychologique des personnes réfugiées et en demande d’asile.
  • Ils jouent un rôle essentiel dans la réduction des problématiques de santé mentale et dans la promotion de la santé mentale positive au sein des populations réfugiées et en demande d’asile.
  • Cela se traduit dans leur capacité à ressentir, penser et agir de manière à améliorer leur vie et à relever les défis auxquels ces personnes sont confrontées.

Voici quelques facteurs de protection à explorer :

  • La préparation de la migration
  • Les réseaux sociaux de proximité (famille, ami·e·s, groupe ethnique et religieux)
  • Les réseaux intercommunautaires (soutien social, opportunités et informations)
  • Les réseaux transnationaux
  • La participation communautaire et civique
  • L’accès et l’utilisation de services de soutien à l’intégration sociale et économique
  • La valorisation du travail
  • L’école et l’éducation (par exemple, la francisation)
  • La conservation de l’identité ethnique et le sentiment d’appartenance à la société canadienne et québécoise
  • Le maintien d’un mode de vie sain (sommeil, alimentation, sport).

Dimension collective de la résilience

La résilience n’est pas acquise. Elle fluctue selon les étapes de la vie ainsi qu’en fonction de la culture de la personne. Il faut également souligner que le concept de résilience ne dépend pas seulement de l’individu, mais peut également être influencé par l’environnement social, structurel et politique.

Il est important de reconnaitre et de mettre de l’avant les forces et la résilience des personnes réfugiées lorsque les professionnel·le·s ont accès à leurs histoires ainsi qu’à leurs récits de vie. Les forces et la résilience peuvent se traduire par les dimensions suivantes :

  • Un fort sens de la communauté et  de la spiritualité
  • Un narratif de survie tourné vers l’avenir et l’espoir
  • Des prières, le fait de connecter aux vivant·e·s ou aux ancêtres décédé·e·s
  • Les rituels religieux
  • D’autres stratégies plus classiques au sein de la culture occidentale : la relaxation musculaire progressive, la visualisation et les exercices de pleine conscience.

Le tout contribuerait à favoriser la gestion du stress et cultiver la résilience des personnes réfugiées et en demande d’asile.

La résilience n’est donc pas seulement le résultat des processus psychologiques individuels, mais aussi des processus sociaux inhérents aux personnes, aux systèmes et aux institutions à l’échelle des familles, des quartiers, des communautés, des organismes, des gouvernements et des réseaux transitoires.

Il est important de rester critique face à la notion de résilience. Une définition trop individualiste de la résilience peut rendre invisibles certaines barrières structurelles qui font en sorte que les personnes n’ont pas toujours accès aux ressources qui leur permettraient d’exploiter leur plein potentiel.

La résilience opère dans les deux sens : les professionnel·le·s qui travaillent auprès de personnes réfugiées développent également dans leur pratique une forme de résilience vicariante.

Souvent, ce sont les retombées négatives de l’intervention qui sont soulignées comme la fatigue de compassion ou les traumatismes vicariants. Les professionnel·le·s qui interviennent auprès de personnes qui ont vécu des traumatismes rapportent vivre des symptômes semblables comme le désespoir, la rage, la terreur, le sentiment d’être dépassé·e par la situation, la peur, des cauchemars et une inquiétude pour leur sécurité. Ces conséquences sont réelles et doivent être abordées dans le cadre de la pratique professionnelle.  

Cependant, certain·e·s professionnel·le·s rapportent des retombées positives de leur travail comme l’expérience de la résilience vicariante. Être témoin de la résilience des personnes qui ont vécu des traumatismes pourrait transformer positivement les professionnel·le·s sur le plan de leur développement personnel, sur l’affirmation de leur confiance professionnelle ainsi qu’amener une plus grande appréciation de leur vie. Manifester une attitude empreinte de compassion envers les personnes accompagnées et soi-même peut conduire à un sentiment d’accomplissement ou de satisfaction de compassion.

RÉFÉRENCES DE LA SECTION

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