Analyse du besoin

À propos

Le cas clinique D – Juan Pablo illustre le cheminement d’une demande pour une personne en demande d’asile (DA). Cette section présente l’étape de l’analyse du besoin.

Avant la rencontre avec la personne accompagnée, il est important d’identifier les collaborations qui vont devoir être mises en place et de regrouper les informations essentielles. Les professionnel·le·s impliqué·e·s à cette étape sont:

Domaine de pratique axé sur le bien-être

  • Des technicien·ne·s en travail social
  • Des travailleurs sociaux et travailleuses sociales
  • Des agent·e·s de ressources humaines (ARH)

Sources d’informations disponibles

Les sources d’information servent à vous préparer à une première rencontre avec la personne, mais n’excluent pas pour autant la possibilité de communiquer directement avec la personne en amont de la rencontre.  

Le dossier de Juan Pablo

Notes prises à la réception de la demande

  • Demande de services de la personne référente 
  • Réservation interprète espagnol pour la rencontre de l’analyse du besoin

Préparation à la rencontre

La préparation à la rencontre permet aux professionnel·le·s de réfléchir aux informations supplémentaires à aller chercher afin de réaliser l’évaluation de la santé physique. Ceci permet également de mieux connaître la personne et de comprendre les problématiques qu’elle vit.

Voici quelques éléments à considérer dans la préparation de la rencontre d’analyse du besoin avec Juan Pablo.

1. Prendre connaissance des Sources d’information disponibles sur la situation de Juan Pablo

2. Extraire les informations pertinentes du dossier afin d’anticiper les sujets à aborder lors de l’analyse des besoins prioritaires exprimés par Juan Pablo et ceux indiqués dans la demande de services

Notes prises en préparation de la rencontre

  • Juan Pablo est un homme âgé de 38 ans, originaire de la Colombie, marié et père de 3 enfants 
  • Sa langue maternelle est l’espagnol. Il ne parle ni le français ni l’anglais
  • Juan Pablo est en processus de demande d’asile au Canada
  • Juan Pablo est nouvellement arrivé à Sherbrooke
  • Juan Pablo manifeste des symptômes liés à de l’anxiété

3. Anticiper la collaboration avec l’interprète en utilisant l’outil aide-mémoire « Pour travailler efficacement avec un·e interprète » à la planification de la rencontre avec un·e interprète formel·le

4. Préparer vos outils de travail.

La rencontre

L’étape de l’analyse du besoin permet d’identifier rapidement les besoins en matière d’accueil, d’orientation et de référence de la personne accompagnée, en fonction des enjeux qui paraissent prioritaires.

Plusieurs actions sont à poser. Pour cela, référez-vous aux outils d’analyse du besoin mis à votre disposition dans votre milieu de travail. Vous retrouverez ci-dessous des pistes d’actions pour accompagner votre processus clinique.

1. Informer Juan Pablo de votre rôle en tant que professionnel·le, du mandat de votre organisation et des raisons de la rencontre. Ceci lui permet d’identifier comment il peut se positionner au sein de la démarche clinique

2. Rassurer Juan Pablo sur le principe de la confidentialité des rencontres. Ceci peut soutenir la création d’un sentiment de confiance et de sécurité

3. En vous référant à votre gabarit de collecte d’information pour l’analyse du besoin, inspiré de la Fiche 1 Accueil, Analyse, Orientation et Référence (page 23), collecter les informations relatives à la situation, aux attentes et aux forces de Juan Pablo et de son milieu, ainsi qu’aux raisons et circonstances de la demande.

4. La collecte d’information peut passer par l’exploration du parcours migratoire de Juan Pablo.

Informations recueillies durant la rencontre

Phase prémigratoire

  • Juan Pablo a fait des études universitaires en droit en Colombie
  • Il a travaillé au bureau du gouvernement à la ville de Medellín pour la défense des droits des citoyens 
  • Il a reçu des menaces de certains propriétaires de terrains qui les ont perdus durant les années 80-90 sous le règne de Pablo Escobar
  • Les menaces reçues sont des appels anonymes, des lettres détaillant ce qui allait lui arriver s’il ne répondait pas à leur demande, des messages instantanés sur les réseaux sociaux où ils écrivaient qu’ils savaient où ses enfants allaient à l’école et où il habitait
  • Juan Pablo a été enlevé et enfermé dans une petite pièce noire durant quelques jours

Phase périmigratoire

  • Juan Pablo déménage à la ville de Bogotá avec sa conjointe et ses enfants 
  • Ils ont été retrouvés par les assaillants 
  • En 2019, ils ont fui la Colombie en empruntant la Route des Amériques à l’aide de passeurs 
  • Ils ont traversé le bouchon de Darién, la frontière entre la Colombie et le Panama, où la famille a été séparée durant la traversée. Les membres de la famille se retrouvent au Panama
  • Ils ont continué leur route en traversant plusieurs pays en passant par le Costa Rica, le Nicaragua, le Honduras, le Guatemala et le Mexique
  • Ils ont été temporairement en détention au Mexique dû à l’absence de documents d’identité. Ils ont perdu ces documents sur la route
  • Ils ont traversé les États-Unis pour se rendre à la frontière canado-américaine où ils ont traversé le chemin Roxham

5. Ensuite, il est recommandé d’évaluer les besoins formulés par Juan Pablo et par la ou le référent·e, et d’identifier les besoins prioritaires. Ceci permet de cerner les perceptions qu’a Juan Pablo de sa situation et des difficultés auxquelles il est confronté.

Informations recueillies durant la rencontre

  • Juan Pablo et sa famille ont demandé l’asile à la frontière canadienne, ce qui implique plusieurs démarches administratives et juridiques spécifiques en lien avec le statut de demande d’asile
  • Juan Pablo et sa famille se sont installés temporairement à Montréal dans une résidence pour personnes en demande d’asile
  • Juan Pablo et sa famille ont déménagé à Sherbrooke sous la recommandation de personnes issues de la même communauté ethnoculturelle, qui estiment qu’il est plus facile de trouver de l’emploi à l’extérieur du Grand Montréal
  • Juan Pablo arrive difficilement à garder un emploi. Il affirme que les tâches demandées par les emplois qu’il a occupés sont physiquement exigeantes. Par exemple, il a travaillé dans une usine de transformation des aliments lui demandant de rester de longues heures debout.
  • Tandis que sa conjointe a commencé à travailler à temps plein dans un entrepôt, Juan Pablo reste à la maison avec leur enfant cadet car le couple n’arrive pas à trouver une garderie subventionnée. Il dit qu’il devrait être celui qui ramène l’argent à la maison et non l’inverse.
  • Juan Pablo affirme avoir de la difficulté à rejoindre les deux bouts entre les dépenses liées au logement, à la nourriture, aux effets scolaires, etc.
  • Juan Pablo affirme être toujours en attente d’une audience. S’il n’est pas reconnu comme personne réfugiée, il craint la déportation dans son pays d’origine où il a vécu la persécution. Il est envahi par ces craintes, ce qui l’empêche souvent de dormir. Il se sent très fatigué.

6. Enfin, il est nécessaire d’identifier les principaux besoins en matière de vaccination et de dépistage, et d’établir rapidement un plan de prise en charge de certaines maladies infectieuses ou maladies chroniques, si applicable.

Notions réactivées

Cours 2

Le statut temporaire des personnes en demande d’asile a la particularité de ne pas avoir de date de fin déterminée. Cette période d’incertitude peut avoir des impacts considérables sur leur bien-être, voire leur état de santé physique. Il n’est pas rare de voir des symptômes d’anxiété et une reviviscence des traumas lors de la convocation à l’audience devant la CISR.

Processus d’installation des personnes en demande d’asile

 

Cours 2

Selon la définition internationale de la Convention de Genève relative au statut de réfugié, une personne en demande d’asile est une personne qui sollicite le statut de réfugié hors de son pays parce qu’elle craint d’y être persécutée, mais dont la demande est en attente de décision (UNHCR, s. d.-b). La personne qui demande l’asile n’est donc pas encore reconnue en tant que réfugiée. Le statut de demandeur d’asile lui offre un statut temporaire le temps d’entamer un processus juridique complexe.

Les personnes reconnues sur place à la suite d’une demande d’asile

 

Cours 2

Les personnes réfugiées et en demande d’asile qui arrivent à être embauchées se retrouvent fréquemment dans des secteurs peu qualifiés et précaires, qui ne sont pas toujours en concordance avec leurs compétences et qui les maintiennent dans un faible revenu.

Adaptation économique et professionnelle 

 

Cours 2

Une personne qui arrive difficilement à s’adapter risque de s’isoler et de développer un sentiment d’exclusion. Il est important d’explorer le vécu de la personne afin de voir comment elle vit son adaptation à la société d’accueil et les stratégies qu’elle met en place pour s’adapter aux changements causés par les transformations culturelles et identitaires.

Transformations culturelles et identitaires

Cours 3

Dans plusieurs pays, les professions en relation d’aide, par exemple le travail social, sont inexistantes. Les personnes accompagnées n’ont donc pas de référent en la matière. Ainsi, il importe de bien vulgariser votre rôle en tant que professionnel·le en donnant des exemples concrets et simples pour en faciliter la compréhension.

Vécu relatif à l’interaction avec le personnel du RSSS 

 

Cours 3

Des précautions sont à prendre avant de poser des questions à la personne accompagnée

  • Prévenir la personne que des questions potentiellement douloureuses et déstabilisantes pourraient lui être posées
  • Rassurer la personne en lui indiquant qu’elle n’est pas dans l’obligation de répondre aux questions : l’objectif est d’apprendre à la connaître avec son bagage de vie et de migration afin de mieux la soutenir
  • Rassurer Juan Pablo sur le fait que les informations partagées n’auront pas d’impact sur son statut ou ne la mettront pas à risque d’expulsion ou de perdre son statut au Canada

Réflexions et pistes d’action

 

Cours 3

Attention à ne pas questionner de façon trop intrusive le vécu migratoire de la personne réfugiée ou en demande d’asile.

  • Pousser les dévoilements peut aggraver les symptômes et stigmatiser les personnes accompagnées. Certains vécus seront dévoilés avec la confiance.
  • Il est important de vous rappeler que vous ne devez pas communiquer le nom, les coordonnées ou autres renseignements personnels à l’ASFC, l’IRCC ou la CISR, à moins que la personne concernée vous ait donné son autorisation pour le faire.
  • Il est aussi possible de rassurer la personne sur le fait que les informations partagées n’auront pas d’impact sur son statut et ne la mettront pas à risque d’expulsion ou de perdre son statut au Canada.

Lien de confiance et confidentialité

Analyse des informations recueillies durant la rencontre

L’analyse des informations recueillies durant la rencontre permet aux professionnel·le·s d’émettre des hypothèses sur les besoins exprimés et les problématiques vécues par la personne accompagnée. Cette analyse permet également d’établir un plan formulé en collaboration avec la personne accompagnée en incluant les priorités, les délais, ainsi que les références vers les services adaptés, dont les organismes communautaires et les partenaires de proximité.

Exemple

Voici une possibilité d’analyse du cas de Juan Pablo :

  • Juan Pablo est nouvellement arrivé au Canada avec sa famille à la suite d’un vécu de persécution au pays d’origine (Colombie) ayant mené à une migration forcée. 
  • Juan Pablo a vécu des événements potentiellement traumatiques (kidnapping, détention) qui semblent se manifester par des symptômes liés à de l’anxiété (palpitation cardiaque élevée, étourdissement, faiblesse, tremblements, inquiétudes, sommeil perturbé). 
  • Juan Pablo est en processus de demande d’asile, ce qui implique plusieurs démarches administratives et juridiques. 
  • Il est en attente d’une date d’audience à la CISR où son statut de réfugié ou de personne à protéger sera déterminé. Le long processus et l’attente y étant associée agissent sur la crainte de ne pas obtenir un statut permanent au Canada et de devoir retourner au pays. d’origine
  • Juan Pablo est inquiet de retourner au pays d’origine, ce qui peut avoir un effet de reviviscence des événements potentiellement traumatiques.
  • Juan Pablo vit un processus d’intégration au marché de l’emploi complexifié par la non-reconnaissance de ses diplômes et de ses expériences de travail, ce qui peut avoir un impact sur son bien-être et son état de santé mentale.
  • La dynamique familiale est modifiée par la migration forcée. Juan Pablo est amené à jouer un rôle familial différent de ce dont il a l’habitude.

Notions réactivées

Orientation et référencement

L’orientation et le référencement permet d’explorer des stratégies d’aide appropriées avec la personne accompagnée et des pistes de solution en fonction de sa situation. Cette étape permet également de répondre à ses questions et de lui fournir de l’information sur les services disponibles au sein du RSSS et dans la communauté.

POUR ALLER PLUS LOIN

L’Institut universitaire SHERPA a reçu le mandat de développer un outil à l’intention des intervenant·e·s et des gestionnaires du réseau de la santé et des services sociaux afin de favoriser l’accès et l’adéquation de ces services pour les hommes immigrants. L’objectif de l’outil est de sensibiliser les professionnel·le·s aux réalités des hommes immigrants afin qu’elles et ils puissent adapter leurs pratiques et favoriser l’accessibilité des hommes immigrants aux services. Cet outil se veut complémentaire à ce qui existe déjà au sujet de l’intervention auprès des hommes et de l’intervention interculturelle : Intervenir auprès des hommes immigrants 

Exercice réflexif de fin – Cas clinique de Juan Pablo