Phase prémigratoire
La phase prémigratoire englobe l’ensemble des événements vécus par la personne avant son émigration. Cette section aborde les facteurs incitatifs et attractifs dans un contexte de migration forcée, et expose les conséquences potentielles des événements vécus en phrase prémigratoire.
Période dans le pays d’origine ou avant le départ forcé
La migration humaine est un processus complexe. Selon le modèle d’analyse écosystémique développé par les démographes Turton (2003) et Williams et al. (2012), la migration dépend de facteurs dits incitatifs (push), qui poussent la personne à quitter son pays d’origine, et de facteurs dits attractifs (pull), qui sont propres au pays de destination.
Ce modèle écosystémique est représenté dans le schéma ci-dessous.

Ce modèle précise qu’il existe aussi des facteurs attractifs en contexte de migration forcée, bien que la plupart des personnes déplacées de force ne choisissent pas leur pays de réinstallation. Ainsi, toute personne qui migre construit des imaginaires à propos de son pays de destination.
Durant les phases périmigratoire et postmigratoire, les personnes réfugiées et en demande d’asile peuvent ainsi vivre des désillusions face aux obstacles rencontrés dans le pays d’arrivée (incertitude quant au statut, discrimination, difficultés à trouver un emploi, etc.).
Des analyses montrent que certaines politiques de durcissement des frontières, destinées à décourager la migration des personnes arrivant de manière irrégulière, n’ont pas l’effet escompté. Lorsqu’un pays adopte des politiques d’immigration durcies, l’imaginaire ainsi créé est celui du ou de la « migrant·e héroïque », qui a réussi à surmonter les obstacles. Ainsi, ces politiques dissuasives ne résorbent pas la migration forcée, mais alimentent les réseaux d’exploitation et d’extorsion des personnes déplacées de force.
Plusieurs facteurs peuvent influencer la migration d’une personne. En phrase prémigratoire, elle peut être exposée à des événements négatifs, voire traumatiques, qui menacent sa sécurité et celle de ses proches. Ces événements peuvent entraîner chez elle des conséquences plus ou moins graves en fonction de son âge, du degré de gravité, de la durée et de la fréquence de l’exposition au traumatisme. On qualifie ces événements de stresseurs primaires.
Exemple
- Une exposition à la violence qui entraîne de la peur, de l’anxiété, des insécurités, de l’incompréhension, ou encore un sentiment d’impuissance
- Des opportunités économiques limitées, voire la pauvreté extrême ou la famine
- Des pertes humaines ou des séparations familiales.
En phrase prémigratoire, les personnes réfugiées et en demande d’asile risquent donc de subir des séparations et des pertes multiples. Ces pertes peuvent être humaines (ex. : un décès), matérielles (ex. : la destruction de la maison) ou symboliques (ex. : l’effritement du sentiment d’appartenance, des repères ou de la cohésion sociale).
La phase prémigratoire fait donc partie de l’histoire de la personne et elle contribue à expliquer ce qui a pu déclencher la démarche d’exil pour celle-ci. Pour certaines personnes, les stresseurs vécus pourront se perpétuer lors de la phase périmigratoire.
En résumé : vécus possibles en phase prémigratoire et conséquences potentielles
VÉCUS POSSIBLES | CONSÉQUENCES POTENTIELLES |
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À retenir
Il est essentiel de cerner les facteurs pouvant influencer les réactions et les ressentis propres à chaque personne :
- La nature et la gravité des événements vécus
- L’expérience antérieure d’événements stressants
- Le soutien de l’entourage
- La santé physique et mentale
- Les antécédents personnels et familiaux de troubles de santé mentale
- La langue, la religion et les traditions
- L’âge (les enfants n’ont pas nécessairement les mêmes réactions que les adultes).
Renseignements sur le pays d’origine
La CISR a mis en ligne des renseignements sur le pays d’origine des personnes réfugiées et en demande d’asile. On entend par « pays d’origine » le pays à l’égard duquel une personne demande la protection. Comme les conditions dans les pays changent souvent, la CISR produit régulièrement des mises à jour des renseignements sur les pays d’origine.
La CISR propose deux types de documentation :
- Les cartables nationaux de documentation : Ce sont des listes de documents publics qui contiennent de l’information sur les conditions de vie et de sécurité dans le pays.
- Les réponses aux demandes d’informations : Ce sont des rapports de recherches sur les conditions de vie et de sécurité dans les pays. Ils font suite à des demandes des décideuses et décideurs de la CISR.
D’autres ressources peuvent être consultées pour se renseigner sur le pays d’origine. En voici une liste non exhaustive :
- Amnesty International
- Organisation internationale pour les migrations (OIM)
- Organisation des Nations Unies (ONU)
- Agence des Nations Unies pour les Réfugiés au Canada (UNHCR).
Même si ces ressources offrent des informations sur le pays d’origine, il faut cependant faire attention aux généralités. Étant donné que chaque vécu est singulier, le narratif de la personne accompagnée reste prioritaire. Vous pouvez rencontrer deux personnes qui ont vécu des situations similaires, mais qui y réagiront différemment.
Quiz : phase prémigratoire
Références de la section
Castelli, F. (2018). Drivers of migration : Why do people move? Journal of Travel Medicine, 25(1), tay040. https://doi.org/10.1093/jtm/tay040
Gagnon, M. M., Wolofsky, T., Azri, M., Mc Sween-Cadieux, E., & Jaimes, A. (2022). Intervenir auprès des personnes réfugiées : Une pratique sensible aux traumatismes. Guide de sensibilisation (p. 80). Centre d’expertise sur le bien-être et l’état de santé physique des réfugiés et des demandeurs d’asile (CERDA). CIUSSS du Centre-Ouest-de-l’Île-de-Montréal.
Hagen‐Zanker, J. (2008). Why Do People Migrate? A Review of the Theoretical Literature. https://doi.org/10.2139/ssrn.1105657
Nakache, D., Pellerin, H., & Veronis, L. (2015). Migrants’ Myths and Imaginaries. Understanding their role in Migration movements and Policies (Policy Brief). Université d’Ottawa. https://ruor.uottawa.ca/items/19c1a945-6f7f-4467-af4c-b1891319dad6
Rousseau, C., & Frounfelker, R. L. (2019). Mental health needs and services for migrants : An overview for primary care providers. Journal of Travel Medicine, 26(2), tay150. https://doi.org/10.1093/jtm/tay150
Trosseille, N., Gagnon, Mélanie. M., & Pontbriand, A. (2019). Intervenir auprès de demandeurs d’asile. Guide à l’intention des intervenants (CIUSSS Centre-Ouest-de-l’Île-de-Montréal).
Turton, D. (2003). Conceptualising forced migration. RSC Working Paper Series, 12. https://www.rsc.ox.ac.uk/publications/conceptualising-forced-migration
Williams, N. E., Ghimire, D. J., Axinn, W. G., Jennings, E. A., & Pradhan, M. S. (2012). A micro-level event-centered approach to investigating armed conflict and population responses. Demography, 49(4), 1521‑1546. https://doi.org/10.1007/s13524-012-0134-8