Identité de genre en santé mentale et physique
L’identité de genre est une variable à prendre en compte dans le processus clinique visant à soutenir un meilleur état de santé mentale et physique des personnes ayant vécu un déplacement forcé.
Lorsqu’il est question de la santé mentale et physique des personnes ayant vécu de la migration forcée, il faut prendre en compte le fait que l’identité de genre est associée des problématiques de santé différentes. Une attention particulière doit être portée à la santé des femmes en contexte d’immigration. Toutefois, les hommes immigrants ont aussi des besoins spécifiques en matière de santé physique et mentale. Certaines ressources permettent de mieux comprendre leurs parcours.
POUR ALLER PLUS LOIN
Consultez la section Immigration au masculin proposée par l’IU SHERPA. Vous retrouverez également le guide Intervenir auprès des hommes immigrants – Ai-je une approche adaptée ?
Santé sexuelle et reproductive des femmes
- Les femmes1 réfugiées et en demande d’asile ont souvent de la difficulté à obtenir des informations ou des méthodes de contraception appropriées. Le manque d’accès aux services et ressources de santé sexuelle appropriés expose les femmes à un risque accru de cancer du col de l’utérus ou de grossesse non désirée, ce qui a des implications sur la santé et le bien-être psychosocial des femmes.
- Des recherches antérieures ont également souligné que les femmes migrantes et réfugiées peuvent avoir une connaissance limitée des infections sexuellement transmissibles, ce qui peut expliquer en partie les taux plus élevés et les diagnostics plus tardifs du VIH.
Détaillées ci-dessous, les lignes directrices cliniques fondées sur des données probantes pour les personnes immigrantes et réfugiées de Pottie et al. (2011) abordent la contraception, la vaccination contre le virus du papillome humain (VPH), la cytologie cervicale, et, enfin, certaines particularités liées à la grossesse.
Il est recommandé que le sujet de la contraception soit abordé rapidement par la ou le professionnel·le de la santé, y compris la contraception dite d’urgence. Le recours à la contraception peut être facilité par :
- L’établissement d’un lien de confiance entre professionnel·le et patiente
- La disponibilité de certaines méthodes de contraception sur le lieu de la consultation.
Ce sujet peut être délicat à aborder auprès de certaines femmes. Les préférences de contraception et leur acceptabilité varient en fonction des références culturelles des personnes. Par exemple, le condom peut être associé à des infidélités et serait utilisé uniquement lors de relations sexuelles extraconjugales.
Les femmes migrantes et réfugiées sont moins susceptibles de participer à des comportements de prévention en matière de santé, tels que le dépistage du cancer du col de l’utérus, par rapport aux femmes nées dans le pays d’accueil.
Dans l’objectif de prévenir les cancers cervicaux, il est recommandé de faire un dépistage d’anormalités à l’aide d’une cytologie cervicale – aussi appelé le test Papanicolaou ou « pap test » – auprès de chaque femme sexuellement active. L’acceptation de ce dépistage est facilitée par trois facteurs :
- Lorsqu’il est proposé par une professionnelle de la santé (versus un professionnel de la santé)
- Lorsqu’une relation de confiance s’est établie entre la patiente et la professionnelle de santé
- Lorsque de l’information claire a été fournie et comprise par la patiente sur le sujet.
Les femmes réfugiées et en demande d’asile ont un risque similaire à celui du reste de la population du pays d’accueil en ce qui concerne les césariennes et la mortalité maternelle. Elles sont cependant plus susceptibles d’avoir des nourrissons de faible poids à la naissance selon les courbes canadiennes de poids à la naissance. Cependant, un certain nombre de recherches ont découvert que, lorsque les courbes de poids à la naissance qui provenaient du pays d’origine des mères étaient utilisées, ce risque plus élevé disparaissait.
Les lignes directrices de Pottie et al. (2011) soulignent le manque de données sur l’accompagnement offert aux femmes migrantes enceintes au sein des services de première ligne. Les lignes directrices font mention de stratégies à développer pour briser l’isolement social de ces femmes et outiller les familles pour réduire la morbidité maternelle et le nombre des naissances à faible poids.
On estime à plus de 200 millions le nombre de filles et de femmes victimes de mutilations génitales. Elles sont principalement originaires de 30 pays, notamment des États africains, du Moyen-Orient et de certaines communautés asiatiques, dont l’Indonésie.
L’infibulation ou la mutilation, en tout ou en partie, des grandes lèvres ou des petites lèvres et l’excision du clitoris d’une fille ou d’une femme pour des raisons non médicales sont appelées mutilation génitale féminine et excision (MGF/E).
L’inégalité de genre est à l’origine des MGF/E qui ont pour objectif de réguler la sexualité des filles et des femmes. Ces pratiques comportent de multiples dangers à court et long terme pour la santé mentale et physique. Elles ont des conséquences multiples sur la santé notamment reproductive des femmes :
- Des problèmes urinaires (miction douloureuse, infections des voies urinaires)
- Des problèmes vaginaux (pertes vaginales, ulcération, vaginose bactérienne et autres infections)
- Des problèmes menstruels (règles douloureuses, difficultés d’écoulement du sang menstruel, etc.)
- Des problèmes liés aux tissus cicatriciels et chéloïdes
- Des problèmes sexuels (douleur pendant les rapports sexuels, diminution du plaisir sexuel, etc.)
- Un risque accru de complications lors de l’accouchement (accouchement difficile, hémorragie, césarienne, nécessité de réanimer le nourrisson, etc.) et de décès des nouveau-nés
- La nécessité de pratiquer ultérieurement de nouvelles opérations chirurgicales. Par exemple lorsque la mutilation aboutit à la fermeture ou au rétrécissement de l’orifice vaginal, il faudra procéder à une réouverture pour permettre d’avoir des rapports sexuels et d’accoucher (désinfibulation). Ainsi, l’orifice vaginal est parfois refermé à plusieurs reprises, y compris après un accouchement, ce qui accroît et multiplie les risques immédiats et à long terme
- Des problèmes psychologiques (dépression, anxiété, stress post-traumatique, faible estime de soi, etc.)
Il existe peu de ressources pour les professionnel·le·s de la santé en ce qui concerne la prise en charge des conséquences. La Société des obstétriciens et gynécologues du Canada (SOGC) a élaboré des lignes directrices pour la prise en charge de ce type de pratique. Parmi les recommandations, on retrouve :
- Veiller à ne pas stigmatiser les femmes ayant subi une mutilation génitale féminine.
- Renforcer la compréhension et les connaissances sur les mutilations génitales féminines
- Développer de meilleures compétences pour la gestion de ses complications et l’offre de soins culturellement sensibles aux filles et aux femmes.
Bien-être et santé mentale des femmes réfugiées et en demande d’asile
La durée et la complexité des parcours migratoires exposent particulièrement les femmes à diverses formes de violence et de discrimination.
Santé mentale périnatale et dépression post-partum
Les femmes réfugiées au Canada courent un risque accru de dépression post-partum (DPP) par rapport aux femmes nées au Canada.
Bien qu’il existe des facteurs communs au développement de la dépression post-partum, les femmes réfugiées sont confrontées à un certain nombre d’obstacles supplémentaires en matière de traitement. Ceux-ci peuvent inclure des facteurs propres à l’expérience de la migration forcée (ex. : séparation familiale, incertitude concernant le statut juridique, adaptation aux mœurs sociales du pays d’accueil) ainsi que des déterminants sociaux de la santé (ex. : pauvreté, barrières linguistiques, obstacles à l’accès aux soins de santé).
Les approches psychologiques traditionnelles de la dépression post-partum mettent l’accent sur les facteurs de risque au niveau individuel (ex. : les hormones, les pensées, les émotions) et les traitements individualisés (ex. : la psychothérapie, les médicaments). Cette conceptualisation est problématique lorsqu’elle est appliquée aux femmes réfugiées et demandeuses d’asile, car elle ne reconnaît pas l’expérience migrante et l’ensemble unique de circonstances dont ces femmes sont issues.
Violences sexospécifiques vécues pendant et après le parcours migratoire et TSPT
Les femmes font partie d’un groupe plus vulnérable aux abus sexuels ou à l’exploitation durant les phases pré et périmigratoire de leur parcours. La discrimination par le genre peut se perpétuer dans le pays d’accueil, où le pouvoir et les ressources peuvent être distribuées inéquitablement, renforçant des dynamiques familiales inégalitaires. S’ajoutent à cela des obstacles importants à l’établissement, liés à l’accès à l’emploi, la stabilité des finances et la gestion familiale.
- Les femmes réfugiées et en demande d’asile présentent généralement des taux élevés de trouble de stress post-traumatique. De plus, la victimisation secondaire après la réinstallation est un enjeu à souligner.
- Le soutien social est un facteur important pour réduire l’isolement et améliorer l’accès aux soins de santé, ainsi que pour améliorer les résultats en matière de santé mentale. Cependant, le soutien social est souvent difficile à maintenir et modéré par des facteurs tels que la maîtrise du français.
- De même, les connaissances en matière de santé, les différences culturelles, les problèmes de communication et la qualité de l’accessibilité influencent les résultats des soins de santé. La violence basée sur le genre vécu par les femmes réfugiées et en demande d’asile est un problème psychosocial majeur sous-estimé et sous-étudié.
Pistes d’action
Il faut cependant retenir certains éléments en lien avec les violences vécues par les femmes et leurs conséquences :
- Il existe des ressources précises pour accompagner les femmes qui vivent de la violence conjugale ou des violences sexuelles. Ces ressources ont développé des outils qui permettent de dégager des pistes d’intervention sensibles aux traumas et fondées sur une approche interculturelle.
- Le projet TRACES porté par la TCRI a développé un ensemble d’outils pour l’intervention auprès des femmes immigrantes vivant de la violence conjugale.
- La Fédération des maisons d’hébergement pour femmes a développé une boîte à outils pour accompagner l’intervention.
- Concernant les violences sexuelles, le CALACS de l’Ouest-de-l’Île a développé un outil répondant aux principales questions concernant l’accès aux services pour les femmes immigrantes.
- Il est recommandé de ne pas forcer un dévoilement pour ne pas faire revivre des événements traumatiques. Toutefois, il est nécessaire de porter attention à certains signes qui pourraient laisser présager que la personne vit de la violence.
Pour aller plus loin
- La Fédération du Québec pour le Planning des Naissances fournit des informations fiables sur la question des droits sexuels et reproductifs. Le site regroupe sur une carte tous les services de santé reproductive au Québec. Vous pouvez également vous procurer le bottin des ressources en avortement au Québec.
- SOS Violence Conjugale offre des services d’accueil, d’information, de sensibilisation et de référence. Les services directs sont offerts aux victimes de violence conjugale (actuelle ou passée), aux victimes de violence post-séparation ainsi qu’à leurs proches. Ils sont accessibles par une ligne téléphonique de référence disponible 24/7, ainsi que par courriel, clavardage et texto.
- Le regroupement québécois des centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (RQCALACS) offre de l’information et les contacts de centres qui accompagnent des victimes de violences sexuelles. Une carte interactive permet de trouver les contacts partout au Québec.
- Vous pouvez également consulter le webinaire Intervenir auprès des femmes immigrantes victimes de violence conjugale : défis et stratégies à favoriser
RÉFÉRENCES DE LA SECTION
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Pottie, K., Greenaway, C., Feightner, J., Welch, V., Swinkels, H., Rashid, M., Narasiah, L., Kirmayer, L. J., Ueffing, E., MacDonald, N. E., Hassan, G., McNally, M., Khan, K., Buhrmann, R., Dunn, S., Dominic, A., McCarthy, A. E., Gagnon, A. J., Rousseau, C., … coauthors of the Canadian Collaboration for Immigrant and Refugee Health. (2011). Evidence-based clinical guidelines for immigrants and refugees. CMAJ: Canadian Medical Association Journal = Journal de l’Association Medicale Canadienne, 183(12), E824-925. https://doi.org/10.1503/cmaj.090313
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