Morantz, G., Rousseau, C., Banerji, A., Martin, C., Heymann, J. (2012). “Resettlement challenges faced by refugee claimant families in Montreal: lack of access to child care”, Child and Family Social Work, vol.18, n.3, pp.318-328.
En bref – Cette fiche synthèse résume les principaux résultats d’une étude qualitative menée auprès de 33 familles en situation de demande d’asile au Canada, à Montréal. L’étude a pour objectif d’explorer l’expérience et les défis rencontrés par les parents demandeurs d’asile lors de leur processus d’établissement. Plus précisément, l’article vise à examiner les difficultés d’accès aux services de garde formels (services gouvernementaux) et informels (réseau de soutien social), chez les familles en demande d’asile à Montréal.
À télécharger : Fiche synthèse et Fiche infographie
1. Contexte
En 2009, 20% des demandeurs d’asile arrivant au Canada ont moins de 15 ans. En plus des traumas et défis rencontrés lors des phases prémigratoire (dans leur pays d’origine) ou migratoire, les demandeurs d’asile font face à de nombreux facteurs de stress additionnels une fois dans le pays d’accueil: possible expulsion du territoire, précarité de leur statut, incertitude de leur avenir au Canada, pauvreté, discrimination, isolement social ou encore barrière de la langue. La littérature suggère que ces défis ont un impact sur leur santé mentale et physique.
Les familles peuvent également rencontrer des difficultés concernant la garde de leurs enfants, du fait de l’absence de leur réseau de soutien (amis ou membres de la famille) ou en raison de difficultés d’accès aux services de garde provinciaux. En effet, les parents demandeurs d’asile n’ont souvent pas les moyens d’utiliser ces services et ne reçoivent pas d’aide financière de la part du Québec. Au Canada, l’ensemble des provinces considèrent que les enfants de parents réfugiés sont éligibles à ces subventions. Toutefois, cinq provinces, dont le Québec, ne considèrent pas les parents demandeurs d’asile comme éligibles, même lorsque leur enfant est né au Canada.
Les recherches indiquent que l’accès à un service de garde engendre des bénéfices pour l’enfant et pour ses parents (favorise un développement optimal chez l’enfant, facilite la réussite scolaire, engendre un taux d’emploi plus élevé pour les parents, etc.).
Peu d’études ont été faites sur les défis rencontrés par les familles en situation de demande d’asile et aucune étude n’a exploré la manière dont les services de garde peuvent bénéficier aux familles en attente du statut de réfugié. Comment l’expérience des demandeurs d’asile affecte-t-elle l’unité familiale, particulièrement en présence de jeunes enfants? L’article vise à examiner l’accessibilité des services de garde chez les familles en situation de demande d’asile à Montréal.
2. Résultats
Au total, 75 entretiens ont été menés, dont 33 dyades ou triades de personnes de la même famille (parents et enfants). Les entretiens portaient sur le réseau de soutien prémigratoire des familles (dans leur pays d’origine), leur vécu du départ de leur pays d’origine et leur expérience postmigratoire à Montréal.
Les résultats de l’étude indiquent que la grande majorité (87%) des participants adultes décrivent le départ de leur pays d’origine et le fait de quitter leur famille comme un événement difficile de leur vie. 74% d’entre eux disent rencontrer des difficultés dans leur établissement à Montréal tels que des difficultés financières (38%), la barrière de la langue (49%), des difficultés à trouver du travail (51%), le manque d’aide dans la garde de leur enfant (73%) et une incertitude au sujet de leur statut d’immigration (87%).
Les principales solutions proposées par les parents concernent la nécessité de faciliter le processus de demande d’asile (15%), faciliter l’accès au marché du travail (27%) et faciliter l’accès à des services de garde pour les enfants (39%).
Les familles en attente de leur statut de réfugié disent rencontrer des difficultés d’accès aux services de garde à la fois informels et formels :
- Le manque d’accès à des services de garde informels est lié en grande partie à la perte du réseau de soutien social lors de la migration forcée et à l’isolement engendré.
- Les parents demandeurs d’asile indiquent également ne pas avoir les moyens de payer un service de garde formel et ne sont pas éligibles pour recevoir des subventions du fait de leur statut.
De plus, au sein de l’étude, les mères semblent davantage affectées que leur conjoint par le manque de services de garde. Ceci peut s’expliquer par le fait que ce sont elles, pour la plupart des familles rencontrées, qui s’occupent des enfants.
3. Discussion et recommandations
Les résultats de cette recherche font écho à d’autres études ayant des données similaires et viennent mettre en lumière l’importance pour le bien-être des parents et des enfants en demande d’asile d’accéder à des services de garde. Les auteurs rappellent que les taux élevés de dépression et de chômage chez les mères immigrantes et réfugiées ont été associés dans la littérature à l’isolement social et au manque d’aide dans la prise en charge de leurs enfants. A termes, la dépression maternelle peut affecter le développement de l’enfant. L’accès aux services de garde agirait ainsi comme un facteur de protection, en permettant à certaines mères de rompre l’isolement social et d’amorcer son intégration sociale.
Les travailleurs sociaux et autres professionnels travaillant avec la population des demandeurs d’asile ont un rôle important et doivent prendre en considération les besoins de garde des enfants lorsqu’ils offrent des services aux parents. Les professionnels ont aussi un rôle à jouer dans la défense des droits de cette population afin d’amener à des changements dans les lois et les politiques d’aide, pour plus d’accès à des services de garde.
Enfin, l’article rappelle que le Canada est signataire de plusieurs traités en faveur du droit de l’enfant à accéder à des services de garde, tel que celui de la Convention des nations unies sur les droits de l’enfant (1989). Si le Québec est fortement engagé dans l’aide offerte aux familles défavorisées en matière de services de garde, les parents demandeurs d’asile ne sont toujours pas éligibles à ces services de garde (plus de 200 000 places à 7$ par jour sont offertes chaque année et les familles bénéficiant de l’aide social se voit offrir gratuitement l’équivalent de 23,5 heures en garderie).
En conclusion, l’article met en lumière le besoin important des familles en demande d’asile d’avoir accès à des services de garde, pour le bien-être des parents et celui des enfants. Ce manque restreint la possibilité, surtout des mères, de trouver un travail, apprendre la langue du pays d’accueil et de s’intégrer socialement dans le pays. L’article rappelle la nécessité de penser des services prenant en considération le besoin de garde des enfants de parents demandeurs d’asile, lorsque ces derniers sont reçus en rendez-vous ou participe à des programmes. Les professionnels devraient également fournir des informations sur les services de garde au Québec et accompagner les familles dans leurs demandes de subvention.