Évaluation du bien-être
L’évaluation du bien-être permet d’approfondir les besoins identifiés lors de l’analyse du besoin. Elle facilite le repérage de nouveaux besoins qui pourraient être soulevés au cours du processus de réinstallation de la personne réfugiée, ou à la suite de ce processus.
Les professionnel·le·s impliqué·e·s à cette étape sont:
- Des travailleuses sociales et des travailleurs sociaux
- Des agent·e·s de relations humaines (ARH)

Sources d’informations disponibles
Le dossier d’Anitha
- Le NAT (Notice of Arrival Transmission)
- Le rapport d’analyse des besoins des membres de la famille avec les orientations et référencement
- Le rapport d’évaluation de la santé physique de la famille avec les orientations et référencement
- Un message vocal reçu de la professeure de la classe d’accueil de Douce qui souhaite partager ses inquiétudes sur certains comportements observés chez l’enfant
- Un rendez-vous pour l’évaluation du bien-être qui a été pris 60 jours après l’arrivée de la famille au Québec.
Préparation à la rencontre
La préparation à la rencontre permet aux professionnel·le·s de se mettre dans une posture réflexive en réfléchissant sur les informations supplémentaires à aller chercher afin de réaliser l’évaluation du bien-être. Ceci permet également de mieux connaître la personne et comprendre les problématiques qu’elle vit.
Voici quelques éléments à considérer dans la préparation à la rencontre de l’évaluation du bien-être d’Anitha et de ses enfants.
1. Prendre connaissance des Sources d’information disponibles sur la situation d’Anitha (NAT, communication, dossier de la personne)
2. Lire le dossier d’Anitha contenant les informations recueillies lors de la réception de la demande, de l’analyse des besoins et de l’évaluation de la santé physique
3. Extraire les informations pertinentes au dossier d’Anitha pour l’évaluation du bien-être
Exemple
- Le parcours pré et périmigratoire de la famille a été exploré lors de l’analyse des besoins et de l’évaluation de la santé physique
- La famille a vécu une migration forcée avec séparation familiale (conjoint/père des enfants)
- La famille a vécu sur une période de plus de cinq ans au camp de personnes réfugiées à Dadaab au Kenya
- Anitha a obtenu le soutien social des femmes du camp dans l’éducation des enfants
- Anitha a donné naissance au garçon Thierry au camp avec problème de santé physique (Spina Bidifa) qui occasionne une incapacité à la marche et à des déplacements autonomes
- Thierry utilise actuellement un fauteuil roulant non adapté à sa taille
- Anitha a un niveau de scolarité équivalent à la 3e année du primaire. Elle travaillait comme ménagère au Burundi
Exercice réflexif
4. Avoir un échange téléphonique avec la professeure de la classe d’accueil de Douce pour en connaître davantage sur les comportements observés chez l’enfant
Exemple
La professeure confirme avoir le consentement d’Anitha, mère de Douce, pour partager ces informations.
5. Anticiper les sujets à aborder lors de l’évaluation du bien-être d’après les informations recueillies en amont
Exemple
- Explorer les impacts de la migration forcée sur l’intégration des membres de la famille au Québec (par exemple, la notion de famille, les rôles sociaux, les relations entre les adultes et les enfants).
- Considérant la situation rapportée à l’école, s’intéresser aux conditions de vie au camp de personnes réfugiées, les liens avec les autres résident·e·s et si les enfants avaient accès à l’école.
- Penser à utiliser l’approche interculturelle durant l’évaluation du bien-être. Ceci pourrait aider à se décentrer et à adopter une posture d’écoute du narratif d’Anitha. Le tout peut être favorable à une meilleure compréhension de la façon dont elle vit et comprend sa situation, incluant son processus d’installation et d’adaptation au Québec.
- Adresser les comportements observés par la professeure de Douce avec Anitha et avec l’enfant. Lors de rencontres individuelles, explorer le sens donné par Anitha et Douce sur les comportements rapportés.
6. Anticiper la collaboration avec l’interprète en utilisant l’aide-mémoire à la planification de la rencontre avec un·e interprète formel·le
7. Préparer vos outils de travail.
Notions réactivées
Cours 3
Avant la rencontre, il est possible de se référer aux informations déjà disponibles au dossier afin d’éviter de faire répéter la personne et de lui faire revivre potentiellement des événements difficiles.
Cours 3 – Soutien à la collecte d’informations pour l’analyse des besoins et l’évaluation
Cours 4
Il est recommandé de prévoir un temps pour rencontrer séparément les enfants, étant donné qu’elles ou ils peuvent masquer certains symptômes pour ne pas inquiéter leurs parents. Pour ce faire, il importe de préparer les parents en leur expliquant qu’un moment sera pris séparément avec chaque membre de la famille, enfants y compris, pour que chacun ait son espace confidentiel.
Exercice réflexif
La rencontre
L’évaluation du bien-être permet d’approfondir la compréhension des besoins identifiés lors de l’analyse des besoins. Elle facilite également le repérage de nouveaux besoins qui pourraient être soulevés au cours du processus de réinstallation de la personne réfugiée, ou à la suite de ce processus.
Vous retrouverez ci-dessous des pistes d’actions pour accompagner votre processus clinique.
1. Même si Anitha n’est pas à sa première rencontre de l’équipe de santé des réfugié·e·s, il est recommandé de l’informer de votre rôle en tant que professionnel·le, du mandat de votre organisation et des raisons de la rencontre. Ceci lui permet de se situer dans son processus d’installation et de comprendre l’utilité de la rencontre.
2. Il est possible d’informer Anitha de la prise de connaissance des notes évolutives de son dossier liées à l’analyse des besoins et de l’évaluation de la santé physique effectuées par vos collègues. Dans cette mesure, il est possible de rassurer Anitha sur le fait que vous n’allez pas lui demander de raconter à nouveau son histoire, mais que vous allez avoir des questions de précisions pour mieux orienter les services selon les besoins exprimés.
3. L’évaluation du bien-être permet d’explorer avec Anitha où elle se situe dans son processus d’installation et d’adaptation à la société québécoise. Ceci permet aussi d’explorer les difficultés rencontrées et les impacts sur la personne et/ou ses proches.
Informations recueillies lors de la rencontre
- La famille a déménagé dans un demi-sous-sol, non adapté à un fauteuil roulant. Anitha doit prendre son fils Thierry dans ses bras pour descendre les quelques marches qui mènent au logement.
- Anitha est en attente des services de réadaptation pour son fils Thierry qui lui permettront d’accéder à une évaluation pour un fauteuil roulant adapté.
- Anitha affirme ressentir un inconfort physique en continu. Elle n’arrive pas à trouver le sommeil la nuit tombée. Elle se sent fatiguée et déprimée.
- Anitha arrive difficilement à payer son logement, la nourriture et les effets scolaires des enfants avec son chèque d’aide sociale. Elle craint d’ailleurs l’expulsion du Canada si elle ne rembourse pas sa dette dans les délais prescrits.
- Anitha a commencé à suivre un cours de francisation. Elle dit avoir de la difficulté à se concentrer durant les cours. Elle exprime des maux de tête à répétition. Elle doit aussi s’absenter souvent pour s’occuper de son fils Thierry qui a des besoins particuliers.
- Anitha affirme se sentir seule au Québec. Elle avait l’habitude de compter sur le soutien des autres femmes du camp dans l’organisation familiale et l’éducation des enfants.
4. En rencontre individuelle avec Anitha, il est possible de l’informer de l’échange téléphonique avec la professeure de la classe d’accueil de Douce et des informations partagées sur les comportements de l’enfant. En se basant sur l’approche interculturelle, il est possible d’explorer le sens que donne Anitha à ces comportements pour cerner sa perception de la situation évoquée.
5. Prendre également un temps de rencontre individuelle avec Douce pour explorer le sens qu’elle donne aux comportements observés par sa professeure, ses camarades de classe et autres personnes impliquées dans son quotidien lorsqu’elle est à l’école.
Notions réactivées
Cours 2
Certains facteurs de risque de dépression ont été identifiés dans la littérature. Cela inclut les événements stressants de la vie, le manque de soutien social ou l’isolement, les problèmes de santé physique, l’incapacité à parler la langue du pays d’accueil, les exigences liées aux rôles multiples et la séparation d’avec les enfants restés dans le pays d’origine.
Cours 2
Les coûts reliés aux examens médicaux exigés avant le départ et les frais de transport vers le Canada (des montants qui peuvent s’élever à plusieurs milliers de dollars par famille) ne sont pas pris en charge par le gouvernement canadien. Si les personnes n’ont pas les moyens financiers de les défrayer, elles peuvent demander un prêt par le Canada qui doit être remboursé après leur arrivée, dans un temps limité et jusqu’à tout récemment, sans intérêts.
Cours 2
Les personnes réfugiées et en demande d’asile peuvent faire face à une perte de repères sociaux et, pour certaines d’entre elles, des défis d’adaptation face à un mode de fonctionnement familial plus individualiste et moins ancré dans un soutien collectif. Le tout peut affecter leur état de santé et de bien-être.
Cours 3
Relativement au lien de confiance à l’égard des professionnel·le·s, lorsque la personne réfugiée et en demande d’asile occupe un rôle parental, elle peut craindre d’être perçue comme négligente et de vivre des répercussions légales concernant ses droits parentaux. Il peut être pertinent de rappeler la confidentialité de la rencontre et démystifier le rôle de la ou du directeur‧trice de la protection de la jeunesse (DPJ).
Cours 4
Comme les enfants sont susceptibles de s’adapter plus rapidement que leur parent à la société d’accueil, en particulier sur le plan de l’apprentissage de la langue, les professionnel·le·s ont tendance à s’adresser aux enfants en français. L’utilisation d’un·e interprète formel·le peut permettre à l’enfant de se sentir plus confortable à partager son vécu dans sa langue maternelle.
Analyse des informations recueillies durant la rencontre
L’analyse des informations recueillies durant la rencontre d’évaluation du bien-être permet aux professionnel·le·s d’émettre des hypothèses sur les besoins exprimés et les problématiques vécues par la personne accompagnée. Cette analyse permet également d’établir un plan formulé en collaboration avec la personne accompagnée en incluant les priorités, les délais, ainsi que les références vers les services adaptés, dont les organismes communautaires et les partenaires de proximité.
Exemple
Voici une possibilité d’analyse du cas d’Anitha :
- Anitha est une mère monoparentale avec quatre enfants à charge, dont un enfant nécessitant de l’assistance pour accomplir la plupart de ses activités quotidiennes. Elle est en attente de services adaptés à la condition physique de son fils Thierry, dont l’assistance à domicile.
- Anitha a des douleurs au dos qui persistent. Elle présente également des préoccupations à l’égard de son installation dans sa nouvelle société qui semblent impacter son état mental. Elle manifeste des symptômes associés à de l’anxiété comme de l’insomnie et de la fatigue.
- Sur le plan socioéconomique, Anitha reçoit l’assistance financière de dernier recours, communément appelée aide sociale. Elle arrive difficilement à répondre aux besoins de base de sa famille. Actuellement, ses ressources financières ne lui permettent pas de rembourser la dette liée au prêt gouvernemental pour la réinstallation, ce qui lui ajoute un stress.
- Anitha vit dans un logement qui n’est pas adapté aux besoins de son fils Thierry, qui doit se déplacer en fauteuil roulant. Par ailleurs, Thierry est en attente d’un transport adapté pour faciliter ses déplacements.
- Sur le plan social, Anitha ne semble pas avoir de réseau social soutenant. Antérieurement, elle avait le soutien de plusieurs femmes au camp dans l’organisation familiale, ce qui semble lui manquer actuellement. Ceci peut être un facteur susceptible d’accentuer le niveau de détresse ressentie par Anitha. En outre, Anitha manifeste des inquiétudes liées à la protection de la jeunesse. Elle craint de perdre ses enfants. Cette crainte résonne avec un vécu de migration forcée qui a causé la séparation familiale.
Notions réactivées
Orientation et référencement
L’orientation et le référencement permettent d’explorer avec la personne accompagnée des stratégies d’aide appropriées et des pistes de solution en fonction de sa situation. Cette étape permet également de répondre à ses questions et de lui fournir de l’information sur les services disponibles au sein du RSSS et dans la communauté.
Voici quelques pistes d’actions liées à cette étape de l’évaluation du bien-être.
1. Il est possible d’actualiser les demandes de services aux établissements auxquels Thierry a été référés en donnant de l’information complémentaire sur la situation psychosociale de la famille. Comme les situations peuvent changer entre le moment de la référence et le traitement de la demande, les établissements peuvent mettre à jour le dossier de Thierry et réévaluer le degré de priorisation.
2. Comme les douleurs au dos persistent, il est possible de valider la façon dont Anitha conçoit son état de santé, ainsi que les éléments qu’elle a retenu des recommandations émises par vos collègues pour la gestion de la douleur et pour la prévention de lésions plus importantes. Ceci permettra également de vérifier sa compréhension du plan de traitement et de voir avec elle comment elle souhaite aborder les prochains suivis en lien avec sa condition de santé, qui pourrait bénéficier d’une prise en charge plus importante.
3. Avec le consentement d’Anitha, il est possible d’informer l’intervenant·e de l’organisme communautaire d’accueil de l’orientation des services pour éviter le dédoublement. En effet, certaines démarches peuvent avoir été entamées par l’organisme en ce qui concerne l’aide alimentaire et matérielle, la recherche d’emploi et l’apprentissage du français.
4. À l’aide des évaluations médicales effectuées par vos collègues, il est possible de demander les allocations pour enfants handicapés permettant à Anitha d’offrir des services adaptés à son fils Thierry.
POUR ALLER PLUS LOIN
Selon les critères d’admissibilité, les enfants en situation d’handicap peuvent obtenir une prestation supplémentaire. Voici les sites de référence :
- Gouvernement du Canada : Prestation pour enfant handicapés (PEH)
- Gouvernement du Québec : Supplément pour enfant handicapé
5. En lien avec la situation à l’école:
- Il est important d’inclure la famille dans l’orientation des services adaptés à la situation de Douce. Comme Anitha semble méfiante à l’égard de la professeure, il est possible de discuter avec l’intervenant·e de l’organisme communautaire pour lui venir en soutien, afin de faciliter les ponts entre la famille et les services du système scolaire.
- Il est également possible, avec l’autorisation d’Anitha, de faire un retour avec la professeure de sa fille Douce puisque cette dernière a interpellé directement l’équipe de santé des réfugié·e·s. Ce retour peut permettre de mettre en contexte les comportements de l’enfant et de la sensibiliser aux conditions de vie des personnes réfugiées et en demande d’asile durant leur parcours migratoire (par exemple, la vie en camp de personnes réfugiées, l’interruption de la scolarisation, la perte de soutien sociale, etc.).
POUR ALLER PLUS LOIN
Le webinaire Accompagner des familles réfugiées ou en demande d’asile dans leur découverture du milieu scolaire présente les résultats préliminaires d’un projet sur le travail développé par des intervenant·e·s communautaires scolaires (ICS). Ces personnes sont spécialement dédiées à l’accompagnement des parents réfugiés et en demande d’asile dans le système scolaire québécois.
6. Considérant la situation psychosociale complexe, il est possible d’offrir une rencontre supplémentaire à Anitha. Ceci permettra de couvrir des thèmes qui n’ont pas été abordés lors de la première rencontre, de rechercher des ressources qui peuvent donner du soutien à Anitha et ses enfants et ainsi d’attacher les références pour s’assurer que la famille ait accès aux services dont elle a besoin.
Exemple
Une rencontre avec l’intervenant·e de l’organisme communautaire pourrait avoir lieu, afin d’installer un filet de sécurité autour de la famille.
Exercice réflexif
Notions réactivées
Cours 1
L’actualisation des demandes de services auprès des établissements peut être faite dans tous les contextes d’intervention. Dans le principe d’équité de l’organisation et de l’offre de service au sein du RSSS, l’idée n’est pas de privilégier une personne réfugiée ou en demande d’asile au détriment de la population générale, mais bien d’informer les établissements de nouvelles informations psychosociales qui peuvent influencer la priorisation aux services.