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Mar 02
INFO - Réfugiés vivant avec le VIH : stigmatisation et accès aux soins
Fiches synthèses et infographies

Réfugiés vivant avec le VIH : stigmatisation et accès aux soins

Donnelly, L. R., Bailey, L., Jessani, A., Postnikoff, J., Kerston, P., & Brondani, M. (2016). Stigma experiences in marginalized people living with HIV seeking health services and resources in Canada. Journal of the Association of Nurses in AIDS Care, 27(6), 768-783

En bref – Cette fiche synthèse présente les résultats d’une étude canadienne réalisée à Vancouver portant sur l’expérience de stigmatisation de personnes atteintes de VIH issues de groupes marginalisés (p. ex. : personnes réfugiées, personnes autochtones) et son impact sur leur recours aux services de santé. L’analyse thématique met en lumière quatre axes majeurs organisés selon les défis et éléments facilitants rencontrés par les personnes atteintes de VIH appartenant à un groupe marginalisé : 1) les débuts de la stigmatisation, 2) les tensions liées à la divulgation de sa maladie, 3) les expériences de recherche de services et les enjeux de la confidentialité, et 4) l’accumulation de facteurs de discrimination.

À télécharger : Fiche synthèse et Fiche infographie

1. Contexte

En 2011 au Canada, 71 300 personnes vivaient avec le VIH (Agence de la santé publique du Canada, 2011), dont beaucoup appartenaient à des groupes marginalisés tels que les personnes réfugiées récemment arrivées au Canada. Selon la littérature, le VIH, en tant que maladie exceptionnelle et transmissible, est associé à une expérience de stigmatisation sociale, tout comme l’appartenance à un groupe migratoire minoritaire, mettant la personne réfugiée atteinte de VIH à risque de vivre une stigmatisation multiple. L’expérience de stigmatisation est souvent associée à un recours aux services de santé parsemé d’obstacles et un désinvestissement du patient dans sa recherche d’informations relatives à sa condition. Dès lors, les auteurs soulignent la nécessité de comprendre les racines de la stigmatisation afin de mieux comprendre et répondre aux besoins des personnes réfugiées vivant avec le VIH. Donc, mettre en lumière l’expérience des personnes réfugiées vivant avec le VIH à travers les obstacles rencontrés et les facilitateurs permet le développement de stratégies pour atténuer la discrimination ainsi que les perceptions négatives pouvant entraver leur capacité à utiliser les ressources et les services de soutien.

2. Méthodologie

Cette recherche participative réalisée à Vancouver a intégré les organismes et acteurs locaux à chacune des étapes de la recherche, depuis l’élaboration du thème jusqu’à la conceptualisation des savoirs. La recherche comptabilisait 25 participants répondant au critère de personne réfugiée répartis dans quatre groupes de discussion selon leur provenance (Afrique, Amérique Latine et Asie). Un cinquième groupe de discussion était composé de huit personnes autochtones. Au sein des groupes, les participants étaient âgés entre 18 ans et 74 ans, on comptabilisait une majorité d’hommes (environ 65%), le temps vécu avec la maladie oscillait entre un an et 20 ans, et aucune restriction n’était faite concernant le nombre d’années passées au Canada.

3. Résultats

Les débuts de la stigmatisation

De manière générale, les participants dépeignent la stigmatisation associée au VIH comme un processus qui prend sa source dans les stéréotypes préétablis du patient concernant la maladie et se consolide avec l’annonce du diagnostic. Au contact du système de santé, l’annonce du diagnostic est souvent vécue comme un choc suivi d’une auto-stigmatisation, c’est-à-dire l’intériorisation des préjugés par le patient nouvellement diagnostiqué du VIH. Ainsi, l’annonce du diagnostic et sa réception sont souvent accompagnées de honte, de culpabilité, d’une diminution de l’estime de soi, de pensées associées à la peur de mourir ou dans certains cas d’idées suicidaires. Dans leur pays d’origine, certains participants décrivent des professionnels de santé ayant une posture accusatrice et peu empathique, et déplorent un manque d’information et de ressources fournies au moment du diagnostic. Toutefois, cette rencontre avec les services de santé est primordiale dans l’expérience débutante de la maladie car elle peut contribuer à la peur d’être rejeté ou stigmatisé dans le parcours de soin à venir.

À l’inverse, connaître un pair vivant avec le VIH avec qui s’entretenir après le diagnostic est un élément facilitateur face à la détresse post-diagnostic, qui permet de briser le sentiment d’exclusion et l’isolement, réduire les craintes concernant la maladie, mettre à mal certains stéréotypes associés (p. ex. : limitations et incapacités à poursuivre sa vie) et obtenir de l’information concernant la maladie et les traitements. Néanmoins, ce propos est nuancé par certains participants : s’entretenir avec un pair met aussi au défi de divulguer sa maladie ; entendre le récit d’expériences négatives peut contribuer au sentiment d’être à risque soi-même de discrimination.

Les tensions associées à la divulgation de sa maladie

Pour l’ensemble des témoignages, la divulgation de sa maladie constitue une épreuve dans la vie psychique des personnes atteintes de VIH, pouvant entraîner une réticence au dévoilement et ainsi, une mise sous silence préventive face aux réactions d’autrui. Lorsque les proches ont une réaction négative (p.ex. : absence de compassion, discours culpabilisant, faible soutien social), la crainte est validée. De plus, cela renforce la stigmatisation intériorisée. Les personnes vivant avec le VIH ont alors tendance à se sentir stigmatisé, isolé et sans support pour affronter les débuts de la maladie.

Si une majorité des témoignages sont consacrés aux obstacles et conséquences négatives de la divulgation du VIH en société, certains participants relatent des réactions positives (p.ex. : vécu similaire, empathie) de proches ou de membres de la société pouvant constituer un élément facilitateur majeur dans leur expérience d’appropriation et d’acceptation de la maladie en société.

Les expériences de recherche de services et enjeux de confidentialité

Bien qu’il existe des services spécialisés, ils ne sont pas toujours accessibles (p. ex. : situation d’urgence, proximité géographique), et l’expérience des hôpitaux et des cliniques sans rendez-vous est décrite par beaucoup de participants comme une source de défis et de réticence (p. ex. : divulgation, enjeux de confidentialité peu intégrés). Certains participants relatent, chez les professionnels de la santé non spécialisés, une impression de manque général de connaissance de la maladie et de sensibilité face au vécu des personnes vivant avec le VIH. Selon eux, ceci s’observe en consultation par la quantité de détails personnels à divulguer et des attitudes professionnelles parfois peu empathiques, voire stigmatisantes. De plus, certaines informations ou ressources proposées en consultation générale peuvent être jugées par les bénéficiaires comme peu détaillées, peu adaptées à leur besoin ou encore alourdissant la quantité d’informations à retenir. De telles expériences peuvent engendrer une méfiance et une perte de confiance à l’égard des services de santé plus généraux ou de première ligne, voire même une « perte d’espoir ». De manière spécifique, les services de soins dentaires sont rapportés comme source importante de stigmatisation et de refus de services. Certains témoignages convergent vers un sentiment d’inégalité dans la qualité des soins reçus et des tarifs plus élevés, alors que des professionnels de la santé se justifient par un niveau de risque encouru plus grand.

Dans leurs expériences des services de santé, les témoignages s’accordent pour un recours privilégié aux cliniques spécialisées et associations dédiées à l’accompagnement des personnes vivant avec le VIH. En effet, un certain sentiment d’appartenance peut s’installer par le partage de vécu et l’attitude sécurisante et compréhensive des professionnels de la santé, qui sont davantage au fait des défis perçus de la divulgation et de la nécessité d’assurer la confidentialité. En raison de la grande quantité d’informations disponibles, ces organisations disposent de ressources précises actualisées et synthétisées facilitant la mise à jour et le triage des connaissances selon les bénéficiaires.

L’accumulation de facteurs de discrimination

Au-delà de la stigmatisation associée au VIH, l’appartenance à un groupe marginalisé constitue un défi supplémentaire dans l’expérience du système de soins et les risques associés d’y être discriminé. Les participants énumèrent ces facteurs additionnels de stigmatisation synthétisés en une « triple menace » : l’appartenance ethnique, le statut socio-économique et l’orientation sexuelle. Certains participants mentionnent le sentiment d’avoir été discriminé du fait de leur origine ou de leur orientation sexuelle au sein même de ressources et d’associations se consacrant pourtant spécifiquement à l’accompagnement des personnes vivant avec le VIH.

4. Discussion

Dès lors, cette étude met en lumière les différents temps où il est possible d’intervenir afin de faciliter l’expérience des personnes vivant avec le VIH et appartenant à un groupe marginalisé. Dans un premier temps, l’éducation de la population permet aux personnes atteintes de VIH d’avoir une vision moins stéréotypée d’ellesmêmes et de leur maladie ainsi que de favoriser, chez la famille, les proches, et plus largement les membres de la société, une posture plus accueillante et moins stigmatisante consolidant le soutien social autour du patient.

Un second temps concerne le diagnostic et le parcours de soins. Les auteurs recommandent de mettre l’emphase sur la formation des professionnels et étudiants relative aux enjeux du diagnostic, de la confidentialité et du vécu des personnes vivant avec le VIH (p. ex. : impact biopsychosocial de la maladie, besoins actuels, enjeux de communication, comportements à risque de stigmatiser), ainsi que de la réalité spécifique des personnes appartenant à un groupe marginalisé (p. ex. : sensibilité culturelle).

Pour finir, si les auteurs soulignent le rôle incontestable des pairs aidants et associations spécialisées, il en demeure qu’ils ont un travail d’inclusion à faire envers l’ensemble de leurs membres, notamment ceux appartenant à des groupes marginalisés.

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