Brooks S., Webster R., et al. (2020). «The psychological impact of quarantine and how to reduce it : rapid review of the evidence », The Lancet, vol.395, pp. 912-920.
En bref – Quels sont les facteurs de risque associés au confinement ? Quels symptômes psychologiques cette situation peut-elle engendrer ? Quelles mesures peut-on prendre pour réduire ces effets ?
1. Contexte
Cet article est une méta-analyse de 24 articles réalisée par Brooks et ses collègues (2020). Les chercheurs se penchent sur les effets négatifs de la quarantaine et les mesures à mettre en place pour les réduire. Ils définissent la quarantaine comme « le confinement et la restriction de mouvement des personnes qui ont été potentiellement exposées à une maladie contagieuse afin de confirmer qu’elles deviennent malades, et ainsi réduire les risques qu’elles infectent d’autres personnes ».
L’analyse des chercheurs les amène à identifier les éléments suivants :
2. Facteurs de risque
Avant la quarantaine
1. Les caractéristiques sociodémographiques : Une étude sur les propriétaires de chevaux mis en quarantaine suite à une infection de ces derniers montre que le groupe d’âge (16-24 ans), le bas niveau d’instruction, le fait d’être une femme ou encore d’avoir un enfant peuvent représenter un plus grand risque de développer une détresse psychologique pendant la quarantaine.
2. Des antécédents d’une maladie psychique : Avoir vécu une expérience traumatisante dans le passé est associé à une plus grande probabilité de vivre de l’anxiété et de la colère post-quarantaine.
3. Le statut professionnel : les professionnels de la santé présentent un degré plus élevé de symptômes de trouble de stress post-traumatique que les autres participants mis en quarantaine. Le comportement d’évitement des personnes qui les entourent, combinés au sentiment de stigmatisation et la perte de revenu semble avoir affecté leur santé mentale.
Pendant la quarantaine
1. La durée de la quarantaine : plus la quarantaine dure longtemps, plus elle est associée à un déclin de la santé mentale, à l’apparition de symptômes de stress post-traumatique, à des comportements d’évitement et à la colère.
2. La peur de l’infection : les individus en quarantaine ont plus peur d’être malades ou d’infecter les autres, tout particulièrement les membres de leurs familles, que ceux qui ne sont pas en quarantaine.
3. La frustration et l’ennui (boredom) : La perte de la routine et des contacts sociaux associée au confinement conduit à un sentiment d’être coupé du reste du monde. Cette frustration est exacerbée par le fait de ne pas pouvoir exercer ces activités habituelles.
4. Des provisions inadéquates : le fait de ne pas avoir accès aux denrées élémentaires (eau, nourriture, vêtements, logement, médicaments, etc.) pendant la quarantaine est une source de frustration et d’anxiété qui dure bien longtemps après celle-ci.
5. De l’information inadéquate : Une mauvaise information de la part des autorités publiques ou des balises floues entourant la mise en quarantaine sont des sources d’appréhension qui amènent les individus à craindre le pire.
Après la quarantaine
1. Les pertes financières : l’interruption d’emploi sans planification préalable risque d’entraîner une détresse économique à moyen terme. Celle-ci peut engendrer une colère et une peur qui va durer bien longtemps après la quarantaine.
2. La stigmatisation : les individus mis en quarantaine risquent d’être pointés du doigt et stigmatisés par leur entourage même une fois la quarantaine terminée. Ceci implique un traitement différentiel comme le fait d’être évité, de ne plus être invité à des activités sociales, d’être traité avec suspicion, ou d’être victime de critiques.
3. Symptômes psychologiques
La majorité des recherches permet de conclure que la combinaison des facteurs de stress engendre des symptômes psychologiques négatifs post-quarantaine. Ainsi, les troubles émotionnels, la dépression, la mauvaise humeur, l’irritabilité, la confusion, la peur, la colère, la peine, la torpeur (numbness) et l’insomnie induite par l’anxiété ont été documentés comme des symptômes psychologiques engendrés par le stress de la quarantaine. De cette liste, la mauvais humeur et l’irritabilité semblent les plus répandus. Une étude comparant les symptômes psychologiques éprouvés lors de la quarantaine, puis quelques mois plus tard, démontre que ceux-ci ne disparaissent pas subitement. En effet, 7% des participants présentaient des symptômes d’anxiété et 17% exprimaient de la colère pendant la quarantaine. Quatre à six mois après la quarantaine, 3% d’entre eux éprouvaient toujours de l’anxiété et 6%, de la colère.
4. Stratégies pour réduire le stress
- Garder la quarantaine aussi courte que possible et ne pas en changer la durée sauf en cas de force majeure ;
- Bien informer les gens mis en quarantaine de la situation, et ce de manière transparente, rapide et efficace ;
- Fournir le matériel les denrées essentielles et prévoir à l’avance un mécanisme d’allocation ;
- Lorsque possible une mise en auto-quarantaine entraîne moins de stress (l’individu n’a pas l’impression d’avoir été privé de sa liberté) ;
- Fournir un soutien moral et social afin de réduire l’ennui (s’assurer que les gens ne sont pas seuls) ;
- Les autorités de santé publique doivent mettre l’accent sur le caractère altruiste de l’auto-isolation ;
- Prêter attention aux professionnel.le.s de la santé qui peuvent être stigmatisé.e.s et se sentir coupable de ne pas travailler avec leurs collègues aux soins des malades.