CERDA – Centre d’expertise sur le bien-être et l’état de santé physique des réfugiés et des demandeurs d’asile

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Juil 01
INFO - Réunification familiale et santé mentale des réfugiés
Fiches synthèses et infographies

Réunification familiale et santé mentale des réfugiés

Choummanivong, C. ; Poole, G.E. & Cooper, A. (2014) Refugee family reunification and mental health in resettlement. Kotuitui : New Zealand Journal of Social Sciences Online, 9(2), 89-100.

En bref – Cette fiche synthèse présente les résultats d’une étude portant sur les impacts perçus et les conséquences psychologiques bénéfiques de la réunification familiale en Nouvelle-Zélande. Les thèmes qui résultent de l’analyse qualitative sont : l’inadéquation des représentations familiales entre le requérant et le décideur, la disparité entre les attentes et la réalité de la démarche de réunification familiale, les impacts émotionnels de la séparation, les impacts psychologiques associés à l’échec d’une demande de réunification durant la réinstallation, les conflits intergénérationnels après réunification familiale, ainsi que les conséquences psychologiques et effets bénéfiques associés au succès d’une demande de réunification durant la réinstallation.

À télécharger : Fiche synthèse et Fiche infographie

1. Contexte

Chaque année, la Nouvelle-Zélande accorde le statut de réfugié à 750 personnes. La Nouvelle-Zélande alloue 300 places additionnelles d’accueil par an aux proches de ces personnes réfugiées (Programme gouvernemental de réunification familiale). La littérature scientifique décrit la réunification familiale comme un facteur bénéfique majeur pour la personne réfugiée durant le temps de la réinstallation : elle favorise le sentiment de bien-être, l’intégration et la contribution de la personne réfugiée à la société d’accueil. À ce jour, peu d’études documentent l’impact de la réunification familiale dans l’expérience de la personne réfugiée. La présente étude compare les différences entre la situation d’attente, l’échec et le succès d’une requête de réunification familiale.

2. Méthodologie

La présente étude compte 61 participants arrivés avec le statut de réfugié subdivisés en trois groupes : 1) personnes arrivées avec le statut de réfugié ayant vécu une issue favorable suite à leur demande de réunification familiale, 2) personnes arrivées avec le statut de réfugié ayant vécu un rejet de leur demande de réunification familiale et 3) personnes dans l’attente d’une décision vis-à-vis de leur demande de réunification familiale.

Parmi ces 61 participants, 46 ont participé à un groupe de discussion et 15 d’entre eux à des entrevues individuelles semi-structurées. Les données qualitatives ont été analysées de manière thématique.

3. Résultats

Les démarches de réunification

L’inadéquation des représentations familiales entre le requérant et le décideur Les personnes réfugiées soulignent les différences sémantiques entre leurs représentations de la famille issues de sociétés collectivistes, qui s’étendent à la famille élargie voire même le clan ou l’ethnie, et la « famille nucléaire » selon les représentations des pays occidentaux, qui régit les droits juridiques et migratoires en termes de réunification familiale. Cet écart constitue selon eux un obstacle primordial lors de l’élaboration de la requête de réunification familiale. Les disparités entre les attentes et la réalité de la démarche Les personnes réfugiées expriment un écart entre leurs attentes adressées envers la démarche de réunification familiale, initialement jugée comme « simple » et « rapide » au regard des politiques favorables du pays d’accueil, et la réalité d’une procédure complexe, longue et coûteuse.

L’attente de la réunification

Les impacts émotionnels et les coûts financiers de la séparation La séparation familiale est associée à un sentiment d’instabilité et à un état d’inquiétude omniprésent concernant la sécurité de la famille demeurant encore dans le pays d’origine. Le sentiment bénéfique de sécurité dans le pays d’accueil pour la personne réfugiée est jumelé à la culpabilité de la fuite et de l’abandon des membres de sa famille demeurant dans un contexte de vie menaçant. Les personnes réfugiées soulignent l’importance des coûts de la séparation, autant les envois monétaires faits à la famille dans le pays d’origine que les frais associés à la demande de réunification familiale (p. ex. : avocats, tests ADN). Ces coûts peuvent entrainer des privations individuelles durant le temps précaire de la réinstallation. Les impacts psychologiques associés à l’échec d’une demande de réunification durant la réinstallation L’issue défavorable d’une requête de réunification familiale est associée à une humeur dépressive, un sentiment de désespoir et de culpabilité, ainsi que des symptômes proches d’épisodes dissociatifs et de problèmes d’attention (p. ex. déficit de la mémoire, problèmes de concentration). Un participant souligne sa volonté de retourner dans son pays d’origine, peu importe le contexte de guerre et de menace tandis que trois personnes indiquent la manifestation d’idéations et de tentatives de suicide à l’issue d’un rejet de demande de réunification.

Les impacts de la réunification

Les conflits intergénérationnels Malgré une issue favorable, la réunification familiale peut entrainer des enjeux et défis de contact avec une nouvelle culture, selon des expériences intergénérationnelles différentes. Les jeunes sont davantage en contact avec les codes et valeurs du pays d’accueil (p. ex. : médias, films, école) ce qui crée un double écart dans la dyade parent-enfant ainsi qu’entre le jeune et l’école. Les plus jeunes personnes ayant participé à l’étude soulignent les bienfaits de connaitre un cadre plus libertaire dans le pays d’accueil contrairement au pays d’origine ainsi que la nécessité que leurs parents aient accès à un apprentissage de la langue du pays d’accueil afin de favoriser leur intégration et celle de leur famille. Les effets bénéfiques associés au succès d’une demande de réunification La présence de la famille et le contact avec la communauté d’origine dans le pays d’accueil constituent un support social majeur face aux enjeux de la réinstallation : être assisté dans sa compréhension du fonctionnement des transports, se voir indiquer les ressources présentes, être assisté dans la recherche et l’accès au logement, etc.

4. Discussion

En plus d’être associée à la santé mentale des personnes réfugiées, la réunification familiale contribue à une meilleure gestion des facteurs favorisant une réinstallation réussie : acquisition de la langue du pays d’accueil, accès à l’emploi et meilleures relations interpersonnelles avec la communauté du pays d’accueil. L’exploration du vécu de la réunification familiale chez les enfants et jeunes ainsi que la dimension culturelle de la famille constituent des enjeux de recherches ultérieures.

Pour aller plus loin

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