Graham, H. R., Minhas, R. S., & Paxton, G. (2016). Learning problems in children of refugee background: A systematic review. Pediatrics, 137(6).
En bref – Cette fiche synthèse rend compte d’une revue de la littérature portant sur les performances scolaires et les difficultés d’apprentissage chez les enfants et adolescents réfugiés. Si certains facteurs de risque spécifiques à cette population prennent leur source dans les contextes pré et péri-migratoires, les études retenues montrent que des déterminants majeurs sont ancrés dans le contexte post-migratoire. Dès lors, les auteurs proposent des recommandations concrètes pour favoriser le succès scolaire de ces jeunes en pays d’accueil.
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1. Contexte
Comparativement à leurs pairs nés dans le pays d’accueil, les enfants et les adolescents immigrants affichent souvent un avantage académique. Des facteurs tels que des liens familiaux forts, la priorisation de l’éducation, le bilinguisme, etc. peuvent expliquer cette différence. Les jeunes réfugiés partagent un certain nombre de ces facteurs, mais le manque de données les concernant ne permet pas de comparer de manière systématique leur performance scolaire à celle de leurs pairs. Toutefois, certains facteurs spécifiques à cette population tels que l’exposition à des événements traumatisants ainsi que les enjeux de la relocalisation risquent d’avoir des répercussions néfastes sur leur développement ainsi que sur leurs apprentissages. Cette revue de littérature compile des études relatives à la performance scolaire des enfants et adolescents réfugiés et expose les facteurs de risque et de protection associés.
2. Méthodologie
Les 34 études retenues, publiées entre 1996 et 2015, illustrent le manque flagrant de recherches sur ce sujet. D’abord, les trois-quarts ont été menées en Australie, aux États-Unis et au Canada, et une étude a été réalisée en Thaïlande, ce qui constitue une limite selon les auteurs, considérant que 86% des réfugiés vivent dans des pays en voie de développement. Ensuite, ces études rassemblent 29 cohortes d’enfants et d’adolescents réfugiés de diverses régions d’origine, dont la majorité concerne les adolescents (88%). Les auteurs déplorent le manque d’études relatives aux enfants d’âge préscolaire alors qu’il est reconnu que la détection précoce est un paramètre important pour des interventions efficaces. Finalement, la grande majorité sont des études transversales quantitatives (59%) ou qualitatives (41%) et le manque d’études longitudinales est un écueil important dans la mesure où la performance scolaire et, en amont, les facteurs qui la renforcent ou qui l’entravent, peuvent évoluer avec le temps.
3. Résultats de la discussion
Trois thématiques principales se dégagent des études retenues, soit la performance scolaire (n=8), la prévalence des difficultés d’apprentissage (n=14) et les facteurs de risque et de protection (n=25). Notons que certaines études peuvent traiter plusieurs thématiques.
La performance scolaire
Parmi les huit études traitant de la performance scolaire des jeunes réfugiés, six indiquent qu’il n’y a aucune différence significative entre les enfants réfugiés et leurs pairs natifs du pays d’accueil. Les deux autres études nuancent cette observation : l’une rapporte que les dix-neuf mineurs soudanais non-accompagnés aux États-Unis obtiennent de meilleurs résultats que leurs pairs nés dans le pays, tandis que l’autre montre l’inverse chez 102 enfants originaires de Corée du Nord scolarisés en Corée du Sud.
Les difficultés d’apprentissage
Les problèmes de développement et d’apprentissage sont de diverses natures dans les 14 études qui s’y attardent.
Des troubles neurodéveloppementaux
- Une étude australienne note des déficiences sensorielles (vision et audition) et de retards de développement (langage et motricité) au sein d’une cohorte de 332 enfants ayant fréquenté une clinique de santé des réfugiés ;
- Une étude aux États-Unis et une en Suède relèvent des déficiences intellectuelles au sein d’une cohorte de 400 adolescents, mais les résultats de quotient intellectuel semblent conformes aux résultats d’autres populations minoritaires du pays d’accueil.
- Une étude suédoise montre que les troubles de déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH) sont plus fréquemment observés chez les élèves dont les parents ont vécu des événements traumatiques.
Des troubles émotionnels et comportementaux
- Bien que les prévalences soient variées d’une étude à l’autre, de manière générale dans les 10 études y faisant référence, ces problèmes sont plus fréquemment rapportés chez les enfants ayant un bagage de réfugié que chez les enfants natifs.
- Une étude canadienne établit un rapprochement entre des problèmes de comportement et des résultats scolaires médiocres, dans une cohorte de 156 enfants du primaire, alors que ce rapprochement n’est pas valide pour une cohorte d’adolescents.
- Des troubles de l’opposition avec provocation ainsi que des troubles des conduites sont rapportés dans cette même étude suédoise où la prévalence est plus élevée chez les élèves dont les parents ont été exposés à des traumas. Également, une étude aux États-Unis auprès de 144 adolescents khmers associe de tels troubles à une exposition au trauma, le genre masculin et des résultats scolaires plus faibles.
Par ailleurs, il convient de noter qu’aucune étude ne fait mention de trouble du spectre de l’autisme, de trouble spécifique du langage, de dyscalculie ou de dyslexie. Étant donné la diversité des prévalences, il est impossible à ce jour de dégager des tendances relatives aux performances scolaires et aux difficultés d’apprentissage parmi cette population.
Les facteurs de risque
Les caractéristiques individuelles, les expériences de migration ainsi que les environnements familial, scolaire et socioculturel influencent de différentes manières la performance scolaire des enfants et des adolescents réfugiés. Cependant, les études ne s’accordent pas toujours sur l’influence de certains facteurs. Par exemple, une étude montre qu’un bon état de santé physique et mental des parents a une influence positive sur la réussite scolaire de leurs enfants au secondaire, tandis qu’une autre étude n’a trouvé aucune corrélation. Les auteurs proposent trois thématiques récurrentes pour penser les facteurs de risque.
Les expériences de traumatismes
Dix études abordent les conséquences du trauma sur l’apprentissage mais elles ne s’accordent pas sur les effets : certaines études montrent que l’exposition au trauma de guerre a une influence négligeable sur les performances scolaires, tandis que d’autres ont relevé un impact positif sur la performance scolaire mais aussi sur les ambitions académiques et que d’autres encore montrent que le trauma affecte les fonctions cognitives des enfants et adolescents réfugiés. Trois études menées aux États-Unis auprès d’une même cohorte de 200 adolescents réfugiés iraquiens apporte une perspective nuancée en révélant que différents types de traumas (par ex. : abandon parental, violence personnelle, menace de mort, génocide, trauma secondaire, etc.) ont des effets différents sur les résultats aux tests cognitifs.
Toutefois, dans cette même étude et comparativement à tous les traumas, le trauma lié à la victimisation par l’intimidation était associé aux plus faibles scores aux tests cognitifs. Or cet enjeu peut se retrouver en phase post-migratoire et les études s’accordent autour du fait que les traumas post-migratoires peuvent avoir des conséquences plus grandes sur les fonctions cognitives ainsi que sur l’apprentissage que les traumas prémigratoires. D’ailleurs, six études décrivent les expériences de racisme, d’intimidation et de discrimination comme étant courantes chez les enfants et adolescents réfugiés et que ces expériences ont des effets néfastes sur leur expérience scolaire. À l’inverse, d’autres études montrent que le soutien par les pairs est un facteur de protection.
Les attentes des parents en termes d’éducation
De manière générale, les études semblent indiquer que l’éducation des enfants est une priorité pour les parents et ce, quel que soit le statut socioéconomique des familles, une opportunité justifiant dans certains cas le sacrifice de la migration.
La revue de littérature a trouvé sept études faisant état de l’implication des parents dans l’éducation de leurs enfants et le soutien parental est considéré comme un facteur de protection chez les adolescents réfugiés. Par contre, certaines études soulignent une divergence de perception entre les parents et les enseignants concernant les difficultés d’apprentissage, ce qui peut entraver la communication : tandis que les premiers mettent l’emphase sur les différences culturelles relatives aux attentes et aux styles d’éducation, les seconds attribuent les difficultés aux dynamiques familiales et au barrières linguistiques.
Les préjugés des enseignants
Les enfants et les adolescents réfugiés arrivent dans la société d’accueil avec leur bagage scolaire et l’évaluation précise du niveau d’études est considérée comme un déterminant majeur de la réussite scolaire. Pourtant, dans les onze études mentionnant la transition scolaire, le classement des élèves réfugiés est souvent inadéquat et des attentes trop élevées ou trop faibles risquent de démotiver les jeunes.
La méconnaissance des enseignants relative à l’héritage linguistique et culturel des enfants et adolescents réfugiés peut expliquer ces erreurs de « diagnostic ». Les auteurs soulignent que les enseignants peuvent être porteurs de stéréotypes culturels menant à des attentes inappropriées et à des évaluations inexactes qui peuvent avoir des répercussions sur la performance académique des jeunes réfugiés. Par exemple, une étude canadienne menée auprès de 156 réfugiés d’âge primaire montre que, malgré des résultats scolaires similaires (évalués de manière objective), les enseignants rapportaient davantage de difficultés d’apprentissage chez les jeunes d’Amérique centrale comparativement aux jeunes d’Asie du Sud-Est.
Des programmes d’intervention en milieu scolaire visant à faciliter la transition des enfants réfugiés sont décrits dans trois études. Ces programmes utilisent des pratiques pédagogiques sensibles à la culture, portent une attention particulière aux faibles attentes des enseignants, ou encore proposent du mentorat enseignant-enfant, avec des bénéfices autant pour les enfants que pour les enseignants.
Finalement, en dehors de ces trois thématiques, certaines caractéristiques individuelles sont également des facteurs de protection. Une étude canadienne auprès de 91 jeunes de 9 pays différents montre que le jeune âge à la migration, le temps passé depuis l’arrivée ainsi que la vie urbaine sont associés à de meilleurs résultats scolaires au niveau secondaire. Également, les aspirations académiques et les ambitions de vie sont des éléments facilitant le succès des jeunes. Trois études associent de meilleurs résultats au primaire et au secondaire à une acculturation réussie, c’est-à-dire une forte connexion au pays d’origine et une adoption sélective de facteurs culturels de la société d’accueil.
4. Recommandations
Les recommandations formulées par les auteurs s’adressent à l’ensemble des acteurs œuvrant auprès des enfants réfugiés, que ce soit dans le domaine de la santé, de l’éducation ou de la recherche.
Les professionnels de la santé sont sollicités pour l’identification des difficultés d’apprentissage et, dans le sens d’un dépistage précoce prôné plus haut, les auteurs interpellent spécifiquement les pédiatres afin qu’ils mettent à jour et adaptent leurs évaluations relatives au développement et à l’éducation des enfants. Ils sont ainsi appelés à collaborer avec les acteurs du système éducatif afin d’assurer un classement scolaire adéquat, à rassurer les parents et à détecter les facteurs de risque et de protection en offrant des suivis dans le temps.
Les acteurs du système éducatif doivent être sensibilisés aux enjeux des jeunes réfugiés dans cette période de transition afin d’assurer un environnement scolaire sécuritaire et inclusif : dénonciation de l’intimidation et de la discrimination, encouragement de la participation des parents, promotion de l’ambition académique.
Les organismes et les décideurs politiques sont invités à reconnaitre le rôle crucial de la transition en soutenant les programmes de transition linguistique et scolaire mais aussi l’accès aux éducateurs expérimentés et aux professionnels de la santé.
Finalement, les auteurs interpellent les chercheurs afin de bonifier les connaissances à l’égard de cette problématique, mais aussi de développer des instruments culturellement et linguistiquement appropriés pour évaluer l’intelligence, le comportement et le bien-être émotionnel les populations réfugiées.